
Fermeture d’Asteelflash Cleurie : Impact et Résistance
Imaginez un village paisible des Vosges, où une usine est au cœur de la vie locale depuis près d’un demi-siècle. Du jour au lendemain, 96 salariés apprennent que leur emploi va disparaître. C’est l’histoire d’Asteelflash à Cleurie, un choc qui secoue une communauté entière et pose des questions brûlantes sur l’avenir de l’industrie électronique en France. Pourquoi une usine rentable ferme-t-elle ses “ portes ? Comment les salariés et la région réagissent-ils face à cette décision brutale ? Cet article plonge dans les coulisses de cette fermeture, explore ses implications et donne la parole à ceux qui se battent pour leur avenir.
Une Fermeture Inattendue dans les Vosges
Le 10 juin 2025, lors d’un comité social et économique (CSE) extraordinaire, la direction d’Asteelflash, spécialiste de la sous-traitance électronique, annonce une nouvelle dévastatrice : l’usine de Cleurie, dans les Vosges, fermera ses portes d’ici février 2026. Cette décision touche 96 salariés, qui, selon les syndicats, n’avaient reçu aucun signe avant-coureur. L’usine, fondée en 1979 sous le nom d’Enrulec par l’ancien maire Michel Thouvenin, est un pilier de l’économie locale. Spécialisée dans la fabrication de cartes électroniques pour les secteurs médical, industriel et de la sûreté-sécurité, elle semblait avoir surmonté les défis récents, notamment six mois de chômage partiel, pour retrouver un niveau d’activité satisfaisant depuis avril 2025.
Pourtant, la maison-mère, le groupe taïwanais Universal Scientific Industrial (USI), justifie cette fermeture par un manque de rentabilité et la nécessité d’investir dans des sites plus grands. Cette annonce, qualifiée de “brutale” par les salariés, a suscité une vague d’incompréhension. “Nos carnets de commandes sont pleins, même pour l’année prochaine”, s’indigne Fabienne Laheurte, déléguée syndicale CFDT, dans une déclaration à la presse.
L’annonce est brutale. Lors des derniers CSE, les messages étaient très positifs, on a même fait appel à des intérimaires pour le mois de juin.
– Eléonore Gueritot, déléguée CFE-CGC
Les Raisons d’une Décision Controversée
La direction d’Asteelflash avance des arguments économiques pour justifier la fermeture. Selon l’intersyndicale, il s’agit d’impératifs de rentabilité et de la nécessité d’agrandir l’usine, un investissement jugé non viable par rapport aux six autres sites français du groupe, situés à Saint-Étienne-du-Rouvray, Valframbert, Langon, Meylan, Mercin-et-Vaux et Duttlenheim. Ces derniers, plus grands, absorberaient la production de Cleurie, spécialisée dans des secteurs de pointe comme le médical et la sécurité.
Cette logique économique soulève des questions. Asteelflash, racheté par USI en 2020, est un acteur majeur avec 18 sites mondiaux et plus de 6000 collaborateurs. Pourtant, des rapports récents indiquent que l’usine de Cleurie a généré des bénéfices, avec un bénéfice net de 5 millions d’euros sur deux ans selon Vosges Matin. Pourquoi, alors, sacrifier un site performant ? Certains salariés y voient une stratégie de délocalisation déguisée, favorisant des usines à l’étranger, comme celle récemment ouverte en Pologne.
La loi Florange de 2014 impose à Asteelflash de chercher un repreneur avant de fermer le site, une obligation pour les entreprises de plus de 1000 salariés. Mais les salariés restent sceptiques : “Trouver un repreneur dans une région rurale comme la nôtre, c’est un défi”, confie un employé anonyme. Cette obligation légale pourrait-elle changer la donne ?
Une Communauté en Résistance
Face à cette annonce, les salariés n’ont pas tardé à réagir. Dès le 11 juin, une centaine de personnes, employés et soutiens, se sont rassemblées au rond-point des Granitiers, près de Cleurie, pour manifester leur colère. Des piquets de grève ont été organisés, et une délégation de 25 salariés s’est rendue à Langon, en Ille-et-Vilaine, le 22 juillet, pour peser sur les négociations du Plan de Sauvegarde de l’Emploi (PSE). Leur objectif ? Obtenir des conditions d’indemnisation justes et contester une décision qu’ils jugent “injustifiée”.
Les élus locaux se sont également mobilisés. Le député des Vosges, Christophe Naegelen, a interpellé le gouvernement lors d’une séance de Questions au Gouvernement, dénonçant l’attitude de la direction et réclamant des explications. Le ministre délégué à l’Industrie, Marc Ferracci, a promis des discussions avec USI pour explorer des alternatives industrielles et, en cas d’échec, un plan social “à la hauteur”.
96 salariés abattus par une décision injuste. Le PDG ne prend même pas la peine de se déplacer.
– Christophe Naegelen, député des Vosges
La mobilisation ne faiblit pas. Les salariés, soutenus par les maires de Cleurie, Remiremont et Saint-Amé, insistent sur l’importance de l’usine pour le tissu économique local. “C’est tout un bassin de vie qui est menacé”, déclare Patrick Lagarde, maire de Cleurie.
Les Enjeux pour l’Industrie Électronique
La fermeture d’Asteelflash à Cleurie n’est pas un cas isolé. Elle s’inscrit dans un contexte plus large de défis pour l’industrie électronique française. Alors que la France cherche à relocaliser sa production pour renforcer son indépendance industrielle, la décision d’USI semble aller à contre-courant. Les cartes électroniques produites à Cleurie, utilisées dans des dispositifs médicaux ou des balises ARVA pour le secours en avalanche, sont stratégiques. Leur rapatriement vers d’autres sites français pourrait préserver une partie de cette expertise, mais à quel coût pour la région ?
Le secteur électronique est sous pression mondiale, avec une concurrence accrue des pays à bas coûts. Pourtant, Asteelflash avait su se positionner comme un acteur clé, notamment dans les secteurs médical et sûreté-sécurité. La fermeture de Cleurie interroge sur la stratégie des grands groupes internationaux : privilégient-ils les profits à court terme au détriment de l’emploi local ?
Pour mieux comprendre les implications, voici les principaux enjeux soulevés par cette fermeture :
- Perte d’emplois dans une région rurale où les opportunités sont rares.
- Impact sur l’indépendance industrielle française dans des secteurs stratégiques.
- Risque de délocalisation de la production vers des sites étrangers.
- Défiance croissante envers les grands groupes internationaux.
Vers un Avenir Incertain
Les négociations autour du PSE, entamées le 19 juin, se poursuivent dans un climat tendu. Les salariés exigent des indemnisations supérieures au minimum légal, arguant des bénéfices historiques de l’usine. Ils ont également mandaté un expert indépendant pour contester les arguments économiques de la direction. “Nous voulons des réponses claires sur la rentabilité soi-disant insuffisante”, déclare un représentant syndical.
Le gouvernement, via le ministre Marc Ferracci, a promis d’accompagner le processus. Une convention de revitalisation du site est envisagée pour attirer de nouveaux acteurs industriels dans la région. Mais pour les salariés, l’espoir repose avant tout sur un éventuel repreneur. La loi Florange pourrait jouer un rôle clé, mais le temps presse.
À plus long terme, cette fermeture pose une question cruciale : comment concilier les impératifs de rentabilité des grands groupes avec la préservation de l’emploi local et de l’expertise industrielle ? La mobilisation des salariés et des élus montre une volonté de ne pas baisser les bras. Leur combat dépasse Cleurie : il s’agit de défendre un modèle d’industrie ancré dans les territoires.
Une Leçon pour l’Industrie Française
L’histoire d’Asteelflash à Cleurie est un miroir des défis auxquels fait face l’industrie française. Dans un monde globalisé, les décisions prises à des milliers de kilomètres peuvent bouleverser des communautés entières. Pourtant, la résistance des salariés et le soutien des élus locaux rappellent que l’industrie n’est pas qu’une question de chiffres : c’est aussi une question d’identité et de fierté.
Alors que les négociations se poursuivent, les regards se tournent vers l’avenir. Un repreneur émergera-t-il pour sauver l’usine ? Les salariés obtiendront-ils justice ? Une chose est sûre : leur mobilisation montre que, même face à l’adversité, l’esprit de lutte reste vif dans les Vosges.
Pour résumer, voici les points clés de cette crise :
- Fermeture annoncée d’Asteelflash à Cleurie pour février 2026.
- 96 emplois menacés dans une région rurale.
- Mobilisation massive des salariés et des élus locaux.
- Questions sur la stratégie des grands groupes et la relocalisation.
Cette affaire, loin d’être un simple fait divers, illustre les tensions entre mondialisation et ancrage local. Elle nous pousse à réfléchir : comment protéger nos industries stratégiques tout en restant compétitifs ? La réponse, peut-être, réside dans la résilience et l’innovation des communautés comme celle de Cleurie.