
Filles en Sciences : Objectif 30% d’ici 2030
Pourquoi les filles sont-elles si peu nombreuses dans les filières scientifiques les plus exigeantes ? En France, les classes préparatoires scientifiques, tremplin vers les métiers d’ingénieur, peinent à atteindre une mixité équilibrée. Avec seulement 10 à 20% de filles dans les filières à dominante mathématique, le constat est clair : il faut agir. Le plan Filles et Maths, dévoilé en mai 2025, ambitionne de porter ce chiffre à 30% d’ici 2030. Mais comment relever ce défi face aux stéréotypes ancrés et aux choix d’orientation précoces ? Cet article explore les mesures, les obstacles et les espoirs d’une révolution éducative.
Un Plan Ambitieux pour la Mixité en Sciences
Le ministère de l’Éducation a fixé un cap audacieux : atteindre 30% de filles dans chaque classe préparatoire scientifique d’ici cinq ans. Ce projet, porté par la ministre Élisabeth Borne, s’inscrit dans une volonté de promouvoir les métiers de l’ingénieur et du numérique auprès des jeunes filles. Si les filières comme BCPST (biologie, chimie, physique et sciences de la Terre) affichent déjà une certaine mixité, les sections MPSI (mathématiques, physique et sciences de l’ingénieur) et MP2I (mathématiques, physique, ingénierie et informatique) restent à la traîne, avec un taux de féminisation souvent inférieur à 20%.
Pour Joël Bianco, proviseur du lycée Louis-Le-Grand et président de l’Association des proviseurs de lycées à classes préparatoires, le défi est de taille :
Nous allons jouer le jeu, mais le vivier de candidates reste limité. Il faut agir bien avant le lycée pour orienter les filles vers ces filières.
– Joël Bianco, proviseur du lycée Louis-Le-Grand
Ce constat met en lumière un problème structurel : les choix d’orientation se façonnent dès le collège, voire l’école primaire. Les stéréotypes de genre, qui associent les sciences aux garçons, influencent encore fortement les parcours scolaires.
Sensibiliser Dès le Plus Jeune Âge
Pour briser ces barrières, le plan Filles et Maths mise sur une action précoce. Dès la rentrée 2025, des classes de 4e et 3e à horaires aménagés seront créées, avec un enseignement renforcé en mathématiques et sciences. Ces classes devront compter au moins 50% de filles, un pari audacieux pour initier une nouvelle dynamique. L’approche pédagogique par projet, qui met l’accent sur des applications concrètes, est au cœur de cette stratégie.
Valérie Ferret, directrice des programmes d’éducation chez Dassault Systèmes, soutient cette initiative :
Les projets concrets rendent les sciences vivantes. Ils montrent aux filles qu’elles ont leur place dans ces disciplines.
– Valérie Ferret, Dassault Systèmes
Cette démarche s’appuie sur des partenariats avec des entreprises, prêtes à investir dans des programmes éducatifs pour encourager la mixité. Des initiatives comme des ateliers scientifiques ou des rencontres avec des femmes ingénieures pourraient également renforcer l’attrait des sciences dès le collège.
Former les Enseignants pour Combattre les Stéréotypes
Un autre pilier du plan repose sur la sensibilisation des enseignants. Dès septembre 2025, une charte contre les stéréotypes de genre sera affichée dans les salles des professeurs, accompagnée d’une formation obligatoire de deux heures. À moyen terme, tous les enseignants du primaire et les professeurs de mathématiques du secondaire devront suivre une journée de formation sur les biais de genre.
L’association Elles bougent, partenaire du ministère, salue cette mesure. Valérie Brusseau, sa présidente, souligne l’impact des préjugés :
44% des filles ont entendu qu’elles étaient moins compétentes en sciences. Ces mots marquent et découragent.
– Valérie Brusseau, présidente de l’association Elles bougent
Cette sensibilisation vise à déconstruire les idées reçues, comme l’association des mathématiques à un domaine « masculin ». En parallèle, des capsules vidéo seront diffusées pour outiller les enseignants à encourager les filles dans les disciplines scientifiques.
Des Obstacles Persistants
Malgré ces avancées, le plan suscite des critiques. Claire Piolti-Lamorthe, présidente de l’Association des professeurs de mathématiques de l’enseignement public, regrette que la formation ne soit pas étendue à tous les enseignants, toutes disciplines confondues.
Les stéréotypes de genre traversent toutes les matières. Limiter la formation aux mathématiques est une erreur.
– Claire Piolti-Lamorthe, présidente de l’APMEP
Un autre point faible concerne l’absence de mesures contre les violences sexistes et sexuelles, pourtant signalées comme un frein dans le rapport de l’Inspection générale de l’Éducation de février 2025. Ces comportements, parfois présents en classe, peuvent dissuader les filles de s’engager dans des filières scientifiques perçues comme masculines.
Un Enjeu Économique Majeur
La sous-représentation des femmes dans les sciences a des répercussions économiques. Selon un rapport récent, cette situation coûte environ 10 milliards d’euros par an à la croissance française. À l’heure où les entreprises font face à une pénurie de 20000 ingénieurs, mobiliser les talents féminins devient une priorité nationale.
Voici les principaux axes du plan Filles et Maths pour relever ce défi :
- Création de classes de 4e et 3e avec 50% de filles pour renforcer l’intérêt pour les sciences.
- Formation des enseignants pour lutter contre les stéréotypes de genre.
- Sensibilisation précoce via des projets concrets et des partenariats avec les entreprises.
Ces mesures, si elles sont bien mises en œuvre, pourraient transformer le paysage des filières scientifiques. Mais leur succès dépendra des moyens alloués et de l’engagement de toute la communauté éducative.
Vers une Révolution Culturelle ?
Le plan Filles et Maths ne se contente pas de viser un pourcentage. Il s’agit de changer les mentalités, de montrer aux jeunes filles qu’elles peuvent exceller en sciences. Des initiatives comme celles de l’association Elles bougent, qui organise des rencontres avec des femmes ingénieures, prouvent que l’inspiration par l’exemple fonctionne. En 2024, l’association a touché plus de 30000 collégiennes à travers ses actions.
Pour autant, le chemin est encore long. La réforme du lycée de 2019, qui a rendu les mathématiques optionnelles en première, a accentué la désaffection des filles pour cette discipline. Redonner du prestige aux sciences et montrer leur impact concret sur le monde – de la transition écologique à l’intelligence artificielle – est essentiel.
Et Après 2030 ?
Atteindre 30% de filles en classes préparatoires scientifiques n’est qu’une étape. L’objectif à long terme est de bâtir une société où les choix d’orientation ne soient plus dictés par le genre. Les entreprises, les écoles et les pouvoirs publics doivent travailler main dans la main pour faire des sciences un domaine inclusif.
Le plan Filles et Maths pourrait-il être le déclencheur d’une telle transformation ? Les prochaines années seront décisives. En attendant, chaque initiative compte pour montrer aux jeunes filles qu’elles ont leur place dans l’avenir des sciences.