FinTech Canadienne : Vers une Nouvelle Vague
Imaginez un secteur qui explose pendant quelques années, porté par des investissements records, puis qui retombe brutalement quand l'argent facile se raréfie. C'est exactement ce qu'a vécu la FinTech canadienne entre 2018 et 2022. Aujourd'hui, alors que le calme semble dominer, des voix expertes annoncent le retour d'une vague puissante. Qu'est-ce qui pourrait bien relancer cette dynamique ?
La FinTech Canadienne Sort de son Sugar High
Entre 2018 et 2022, le Canada a vu naître une multitude de startups spécialisées dans les technologies financières. Cette période, qualifiée de sugar high par les investisseurs, a été marquée par une abondance de capitaux venture. Plus de 40 % des entreprises FinTech actives aujourd'hui ont été fondées durant ces années fastes.
Mais la fête s'est terminée abruptement. En 2023, le nombre de nouvelles créations a chuté de 44 % par rapport à 2022. L'année suivante n'a vu que six nouvelles venues, et 2025 n'en compte pour l'instant que trois. Ces chiffres, issus d'un rapport détaillé publié par Luge Capital, dressent un portrait clair d'un secteur en phase de consolidation.
L'écosystème canadien des paiements est bien plus vaste et dynamique que ce que la plupart des gens imaginent.
– Khrystyna Penyk, associée chez Luge Capital
Un Rapport Qui Éclaire un Secteur Opaque
Le rapport de Luge Capital analyse plus de 330 startups actives dans les paiements fondées au Canada au cours des 25 dernières années. Il comble un vide important : jusqu'à présent, aucune source exhaustive ne recensait ces acteurs. Ce travail permet de mieux comprendre les cycles d'innovation dans ce domaine stratégique.
Durant la période dorée, une moyenne de 24 startups voyaient le jour chaque année. Ce rythme effréné reflétait l'euphorie générale du marché venture. Aujourd'hui, la prudence domine. Les investisseurs privilégient l'efficacité du capital plutôt que la croissance à tout prix.
Cependant, ces chiffres doivent être nuancés. De nombreuses jeunes pousses opèrent en mode stealth, sans visibilité publique. D'autres entreprises établies pivotent vers les paiements sans être comptabilisées comme nouvelles créations. Le tableau n'est donc pas aussi sombre qu'il y paraît.
Les Champions Qui Ont Capté les Fonds
Sur les vingt-cinq dernières années, les startups spécialisées dans l'émission de cartes et la gestion des dépenses ont attiré la majeure partie des investissements. Des noms comme Koho, Neo et Float dominent le paysage. À elles trois, elles représentent plus d'un quart du financement total injecté dans les paiements canadiens.
Cette concentration illustre une tendance plus large : les tours de table tardifs se focalisent sur quelques scaleups prometteuses. Les jeunes entreprises doivent désormais démontrer une trajectoire viable avant d'espérer lever des fonds importants.
Autre constat intéressant : il faut en moyenne neuf à dix ans pour qu'une FinTech canadienne passe de la fondation à une sortie (acquisition ou introduction en bourse). C'est plus long que la durée de vie moyenne d'une startup classique, qui oscille entre sept et dix ans.
Pourquoi une Nouvelle Vague S'annonce
Malgré le ralentissement actuel, les auteurs du rapport restent optimistes. Ils voient dans plusieurs évolutions technologiques et réglementaires les prémices d'une renaissance. L'intelligence artificielle, en particulier, pourrait jouer un rôle décisif.
Les avancées en IA conversationnelle ouvrent des perspectives inédites pour automatiser les processus financiers. Les APIs conformes et prêtes à l'emploi facilitent aussi l'intégration de nouvelles solutions. Enfin, l'adoption croissante des stablecoins promet de transformer les flux de paiement transfrontaliers.
Nous anticipons une nouvelle vague d'innovation canadienne dans les paiements à mesure que les rails en temps réel seront déployés, que l'automatisation basée sur l'IA deviendra opérationnelle et que des APIs prêtes pour la conformité créeront de nouvelles opportunités.
– Extrait du rapport Luge Capital
La Modernisation des Paiements au Canada
Le Canada accuse un retard historique en matière d'infrastructure de paiement moderne. Mais les choses bougent enfin. Le gouvernement fédéral avance sur plusieurs fronts : législation pour les stablecoins, progression du dossier open banking, et lancement imminent du Real-Time Rail.
Ces réformes ne sont pas anodines. Elles répondent à des attentes longtemps exprimées par l'industrie. Une fois en place, elles pourraient libérer un potentiel créatif considérable, à l'image de ce qui s'est passé ailleurs.
Prenez l'exemple du Royaume-Uni. L'introduction des règles d'open banking en 2017 a boosté l'adoption et facilité le changement de fournisseurs. Résultat : le marché FinTech britannique a crû de près de 20 % entre 2020 et 2025, donnant naissance à des licornes comme Revolut et Wise.
- Adoption massive des technologies de partage de données financières
- Émergence de champions internationaux
- Croissance soutenue du secteur malgré les crises
Le Rôle Clé de l'Intelligence Artificielle
L'IA n'est pas seulement un buzzword dans la FinTech. Elle transforme concrètement les interactions clients. Des géants canadiens comme Shopify l'ont bien compris. Leur partenariat avec OpenAI pour un "commerce agentique" permet déjà d'acheter directement via des conversations avec ChatGPT.
Cette intégration fluide préfigure un avenir où les achats se font sans friction, guidés par des agents intelligents. Pour les startups, cela signifie de nouvelles opportunités dans l'automatisation des flux, la détection de fraude ou la personnalisation des offres.
Les grandes entreprises allouent des budgets conséquents à ces technologies. Les acteurs B2B positionnés sur l'infrastructure de paiement, comme certaines portfolio companies de Luge Capital, sont particulièrement bien placés pour en profiter.
Le Modèle B2B, un Avantage Canadien
Environ 60 % des FinTech actives au Canada opèrent en B2B. Ce focus sur les entreprises plutôt que les consommateurs directs constitue une force. Les organisations augmentent leurs investissements dans l'IA et les outils numériques pour rester compétitives.
Les fournisseurs d'infrastructure de paiement B2B peuvent ainsi capter une partie de ces budgets. La demande pour des solutions robustes, sécurisées et intégrables croît rapidement. C'est un marché moins volatile que le B2C, plus propice à des relations durables.
Dans ce contexte, les startups qui proposent des APIs flexibles ou des plateformes embarquées ont un boulevard devant elles. La clé réside dans la capacité à démontrer une valeur immédiate tout en respectant les exigences réglementaires strictes du secteur financier.
Les Défis à Surmonter pour cette Reprise
Tout n'est pas rose pour autant. Le chemin vers cette nouvelle vague comporte des obstacles. La concentration des financements sur quelques leaders laisse peu de place aux outsiders. Les premiers fonds peinent à se lever dans un climat prudent.
De plus, le cycle long de maturation spécifique à la FinTech exige patience et résilience. Les fondateurs doivent naviguer dans un environnement réglementaire complexe, tout en innovant rapidement.
Mais ces défis ne sont pas insurmontables. L'histoire montre que les périodes de consolidation précèdent souvent les grands bonds en avant. Le Canada dispose d'atouts solides : talents techniques, proximité avec les États-Unis, et un écosystème mature à Montréal, Toronto et Vancouver.
Vers un Écosystème Plus Mature et Innovant
La FinTech canadienne entre dans une phase de maturité. Exit la croissance dopée aux capitaux abondants. Place à l'innovation ciblée, portée par des fondamentaux technologiques solides et des réformes attendues depuis longtemps.
Cette transition pourrait s'avérer bénéfique à long terme. Les entreprises survivantes sont plus solides, mieux capitalisées et prêtes à scaler internationalement. L'arrivée des infrastructures modernes et de l'IA opérationnelle pourrait bien catalyser cette transformation.
Pour les entrepreneurs, le message est clair : le moment est venu de construire des solutions durables, ancrées dans les besoins réels des entreprises et des consommateurs. La prochaine vague ne sera peut-être pas aussi spectaculaire que la précédente, mais elle pourrait être plus profonde et plus pérenne.
Le secteur canadien des technologies financières a prouvé sa résilience par le passé. Avec les bons catalyseurs, il est prêt à écrire un nouveau chapitre passionnant de son histoire.