Fisker cède ses véhicules électriques à prix cassé face à la faillite
C'est un véritable séisme qui secoue actuellement l'industrie automobile électrique. Fisker, startup californienne pionnière des SUV branchés haut de gamme, traverse une passe des plus sombres. Placée sous la protection du chapitre 11 de la loi américaine sur les faillites, l'entreprise fondée par le flamboyant designer danois Henrik Fisker demande aujourd'hui au tribunal l'autorisation de brader son stock de véhicules électriques Ocean à un prix défiant toute concurrence : 14 000$ en moyenne.
La descente aux enfers d'un pionnier de l'électrique
Il y a encore quelques mois, les SUV électriques Ocean étaient vendus à partir de 70 000$, positionnant Fisker sur le segment premium. Mais la situation financière précaire du constructeur l'a contraint à revoir drastiquement ses ambitions à la baisse. Au total, ce sont 3 231 véhicules flambant neufs que Fisker propose de céder pour 46,25 millions de dollars à American Lease, une société new-yorkaise de leasing automobile spécialisée dans les flottes pour chauffeurs VTC.
Cette vente permettra peut-être de rembourser une fraction de la dette garantie de Heights Capital
Avocat de Heights Capital, principal créancier de Fisker
Heights Capital, affilié au groupe financier Susquehanna, avait prêté plus de 500 millions de dollars à Fisker en 2023. Initialement sous forme d'obligations convertibles, cette créance a été sécurisée par tous les actifs de Fisker suite à un manquement technique de l'entreprise. Un « terrible accord pour Fisker et ses créanciers » selon Alex Lees, avocat d'un groupe informel de prêteurs non garantis, qui s'inquiète de voir le dossier basculer vers une liquidation pure et simple par le chapitre 7.
Un casse-tête pour la jeune pousse en difficulté
Pour couronner le tout, Fisker doit gérer un nouveau problème de pompe à eau détecté sur ses Ocean avant de pouvoir écouler les premiers exemplaires à American Lease. Un défi technique de plus pour les 138 employés que le constructeur prévoit de conserver sur les 179 encore en poste, selon John DiDonato, responsable de la restructuration.
- Vente de 3 321 SUV Fisker Ocean pour 46,25 millions de dollars
- Fisker reste redevable d'environ 1 milliard de dollars à ses créanciers non garantis
- Heights Capital, principal prêteur, pourrait ne récupérer qu'une fraction de sa mise
Henrik Fisker et sa compagne Geeta Gupta-Fisker, cofondateurs de l'entreprise, restent à ce stade sur la masse salariale. Leur rémunération fait l'objet d'une « modification » avec « d'éventuels reports », élude John DiDonato. Mais le juge Thomas Horan, perplexe, s'interroge sur la précipitation de Fisker à valider cette vente au rabais. Il accorde un sursis jusqu'au 11 juillet pour clarifier la situation.
L'électrique à l'heure des comptes
Le destin contrarié de Fisker illustre les tourments d'une industrie automobile électrique en proie aux doutes après des années d'euphorie. Entre l'envolée des coûts, les difficultés d'approvisionnement et l'intensification de la concurrence, l'équation est devenue insoluble pour de nombreux challengeurs. Même Tesla, le leader incontesté du secteur, peine à tenir ses objectifs de rentabilité malgré des baisses de prix drastiques.
Le marché reste profondément déficitaire et survalorisé. Un assainissement est inévitable, voire souhaitable.
Un analyste financier spécialisé dans l'automobile
Dans ce contexte morose, la faillite de Fisker pourrait n'être que la partie émergée de l'iceberg. De nombreux acteurs historiques comme nouveaux entrants sont fragilisés par la conjoncture et la bataille des prix. Une consolidation brutale du secteur n'est plus à exclure, avec son cortège de plans sociaux, fermetures d'usines et ralentissement des investissements.
Un reality check douloureux mais nécessaire pour une filière électrique dopée aux aides publiques et à l'argent facile, qui doit maintenant prouver sa viabilité économique et industrielle. Avec en ligne de mire l'objectif ambitieux de la Commission européenne : 100% de ventes de voitures neuves zéro émission dès 2035. La route s'annonce encore longue et semée d'embûches.