
Fondateurs : Une Constitution pour Protéger Vos Droits
Imaginez-vous, jeune entrepreneur, face à une table de négociation où des investisseurs aguerris scrutent chaque mot de votre term sheet. Votre startup, fruit de nuits blanches et d’idées audacieuses, est sur le point de lever des fonds. Mais à quel prix ? Trop souvent, les fondateurs novices cèdent des parts cruciales de leur entreprise sans comprendre les implications à long terme. Une solution émerge : la constitution des fondateurs, un outil qui pourrait redéfinir la manière dont les entrepreneurs abordent le financement.
Pourquoi une Constitution pour les Fondateurs ?
Dans l’univers des startups, lever des fonds est un rite de passage. Mais ce moment charnière s’accompagne d’un risque majeur : la perte de contrôle. Les term sheets, ces documents qui dictent les conditions d’un investissement, sont rarement en faveur des fondateurs. Ils regorgent de clauses complexes, souvent présentées comme anodines, mais qui peuvent avoir des conséquences dramatiques. Une constitution des fondateurs propose une réponse audacieuse : standardiser les conditions pour protéger les entrepreneurs dès le départ.
Un Bouclier Contre les Pièges du Financement
Les investisseurs, avec leur expérience et leurs avocats, ont souvent l’avantage dans les négociations. Une fondatrice canadienne, Katherine Homuth, l’a appris à ses dépens après avoir levé 250 millions de dollars pour sa startup SRTX, spécialisée dans les collants indéchirables Sheertex. Lors d’une levée cruciale, elle a dû céder son poste de PDG pour sécuriser les fonds. Cette expérience l’a poussée à créer Oomira, une nouvelle entreprise, et à plaider pour un cadre qui protège les entrepreneurs.
Un term sheet est un champ de mines. Rien n’est conçu pour avantager le fondateur.
– Katherine Homuth, Fondatrice de SRTX et Oomira
Selon Homuth, une constitution des fondateurs permettrait de définir des termes clairs dès le départ : structure du conseil d’administration, clauses de rémunération, droits de vote, ou encore conditions de départ. Ce document agirait comme un contrat social entre le fondateur et son entreprise, garantissant une certaine équité face aux investisseurs.
Les Éléments Clés d’une Constitution
Une constitution des fondateurs ne se contente pas de belles paroles. Elle doit être un outil pratique, structuré et adaptable. Voici les éléments essentiels qu’elle pourrait inclure :
- Gouvernance claire : Définir la composition du conseil d’administration pour éviter que les investisseurs ne prennent le contrôle total.
- Protection des parts : Garantir que les fondateurs conservent un pourcentage significatif d’actions, même après plusieurs tours de financement.
- Conditions de départ : Prévoir des clauses de sortie équitables, comme des indemnités en cas de départ forcé.
- Évaluation régulière : Instaurer des cycles de révision des salaires et avantages pour refléter la croissance de l’entreprise.
Ces points, bien que simples en apparence, peuvent faire toute la différence lorsqu’un différend survient avec un investisseur. Ils offrent une base solide pour négocier sans se sentir démuni.
Le Point de Vue des Investisseurs
Si l’idée d’une constitution séduit les fondateurs, elle soulève des questions chez les investisseurs. Shambhavi Mishra, associée chez Antler Canada, reconnaît l’importance d’éduquer les entrepreneurs avant leur première levée de fonds. Cependant, elle tempère : les investisseurs pourraient percevoir une constitution comme une tentative de limiter leur influence.
Le capital n’est qu’une partie de ce qu’un VC apporte. Les fondateurs doivent avoir un guide clair avant de se lancer.
– Shambhavi Mishra, Antler Canada
David Dufresne, partenaire chez AQC Capital, nuance également. Selon lui, les termes sont souvent favorables aux fondateurs jusqu’à la série A. Les problèmes surviennent lorsque les startups manquent leurs objectifs, forçant des renégociations à des valorisations moins avantageuses. Une constitution pourrait alors servir de garde-fou, mais seulement si les fondateurs respectent leurs engagements.
Les Limites des Contrats Existants
Des outils comme le SAFE (Simple Agreement for Future Equity) existent déjà pour simplifier le financement des startups. Développé par Y Combinator, ce contrat protège les fondateurs en évitant l’obligation de rembourser l’investissement si les actions ne sont pas converties. Mais, comme le souligne Bertrand Nepveu, partenaire chez Triptyq Capital, ces options ne sont pas toujours disponibles au Canada, où le marché est moins concurrentiel qu’aux États-Unis.
Dans un marché moins dynamique, les investisseurs canadiens imposent souvent des conditions plus strictes, comme des dettes garanties par des actifs personnels. Certains fondateurs vont jusqu’à mettre leur maison en jeu, ce qui peut ruiner leur avenir entrepreneurial en cas d’échec.
Un Écosystème à Réformer
La proposition de Katherine Homuth ne se limite pas à un document. Elle appelle à une réforme plus large de l’écosystème des startups. Les fondateurs, souvent novices, manquent de ressources éducatives pour naviguer dans le monde complexe du financement. Nepveu insiste sur l’importance d’une communauté pour partager les meilleures pratiques et éviter les erreurs coûteuses.
Pour illustrer l’impact d’une meilleure éducation, prenons l’exemple des États-Unis, où la concurrence entre investisseurs pousse à des conditions plus favorables aux fondateurs. Une constitution pourrait aligner le Canada sur cette dynamique, en rendant les négociations plus équitables.
Comment Mettre en Place une Constitution ?
Créer une constitution des fondateurs demande une réflexion stratégique. Voici les étapes clés pour la concevoir :
- Consulter des experts : Travailler avec des avocats spécialisés en droit des startups pour rédiger un document juridiquement solide.
- Impliquer la communauté : S’inspirer des retours d’autres fondateurs pour inclure des clauses pertinentes.
- Rester flexible : Adapter le document aux besoins spécifiques de chaque startup, tout en maintenant des principes universels.
Une fois rédigée, cette constitution doit être présentée aux investisseurs dès les premières discussions. Cela envoie un signal clair : le fondateur est préparé et déterminé à protéger ses intérêts.
Vers un Avenir Plus Équitable
L’idée d’une constitution des fondateurs est plus qu’un simple outil juridique. Elle incarne un changement de mentalité, où les entrepreneurs cessent d’être des novices face à des investisseurs tout-puissants. En s’inspirant de pionniers comme Katherine Homuth, les fondateurs peuvent reprendre le contrôle de leur destin.
Le chemin est encore long. Les grandes institutions financières doivent revoir leurs pratiques, et les fondateurs doivent s’armer de connaissances. Mais avec des outils comme la constitution des fondateurs, l’écosystème des startups pourrait devenir plus juste et plus durable.
En somme, une constitution des fondateurs n’est pas seulement un document. C’est une déclaration d’indépendance pour les entrepreneurs, un moyen de s’assurer que leur vision reste au cœur de leur entreprise, même face aux défis du financement.