
Fonds de 50 M$ pour Femmes Entrepreneurs
Imaginez un instant : des milliers d’entrepreneurs canadiens, après des décennies à bâtir leurs entreprises, se préparent à passer le flambeau. Mais à qui ? Alors que la vague de retraites s’accélère, une opportunité unique se profile pour réinventer l’avenir de l’entrepreneuriat au Canada. La Banque de développement du Canada (BDC) saisit ce moment charnière avec un investissement audacieux : un fonds de 50 millions de dollars pour permettre aux femmes entrepreneurs de racheter ces entreprises et de les propulser vers de nouveaux sommets.
Une Révolution pour l’Entrepreneuriat Féminin
Avec ce fonds, nommé Thrive ETA Fund, la BDC ne se contente pas de fournir du capital. Elle propose une approche globale, combinant financement, formation et mentorat, pour accompagner les femmes dans l’acquisition et la gestion d’entreprises existantes. Cette initiative répond à un défi de taille : seulement 20 % des entreprises privées au Canada sont majoritairement détenues par des femmes, selon Statistique Canada. L’objectif ? Transformer cette statistique en offrant à plus de 60 femmes la chance de devenir des leaders dans le monde des affaires.
Un Contexte de Succession Critique
Le Canada fait face à ce que certains appellent un tsunami de successions. D’après un rapport de la Fédération canadienne de l’entreprise indépendante (FCEI), 76 % des propriétaires de petites entreprises prévoient de quitter leur poste d’ici la prochaine décennie, principalement pour cause de retraite. Pourtant, seulement un propriétaire sur dix dispose d’un plan de succession formel. Trouver un repreneur qualifié reste un obstacle majeur, et c’est là que le fonds de la BDC entre en jeu.
« C’est une occasion unique de rééquilibrer l’équité et la propriété entre les hommes et les femmes. »
– Sévrine Labelle, directrice générale du Thrive Lab de la BDC
Ce fonds s’adresse aux entreprises établies, souvent dans des secteurs traditionnels comme la fabrication ou les services, avec un bénéfice avant impôts, intérêts, dépréciation et amortissement (EBITDA) compris entre 1 et 5 millions de dollars. Ces entreprises, souvent sous-exploitées technologiquement, offrent un potentiel de modernisation et de croissance que les femmes entrepreneurs peuvent saisir.
Un Fonds, Trois Piliers
Le Thrive ETA Fund repose sur trois axes stratégiques pour maximiser son impact :
- Financement diversifié : 10 millions de dollars pour des investissements indirects dans des fonds de capital-investissement soutenant les acquisitions par des femmes, et 40 millions pour des investissements directs dans des rachats ou des recherches autonomes.
- Formation accélérée : Un programme d’accélérateur dédié offre aux entrepreneures les outils nécessaires pour identifier, négocier et gérer des acquisitions.
- Mentorat personnalisé : Des experts, comme Amanda Kattan, nouvelle partenaire du fonds, accompagnent les femmes à chaque étape, de la recherche à la gestion post-acquisition.
Cette combinaison est conçue pour lever les barrières traditionnelles, notamment l’accès au capital, souvent plus difficile pour les femmes en raison des écarts de richesse historiques. Fait notable : le fonds n’exige pas que les entrepreneures investissent leur propre argent, une décision qualifiée de « révolutionnaire » par Sévrine Labelle.
Pourquoi les Femmes, Pourquoi Maintenant ?
Le choix de cibler les femmes n’est pas anodin. Les statistiques montrent un déséquilibre criant dans la propriété des entreprises au Canada. En s’appuyant sur cette vague de retraites, la BDC voit une opportunité de combler cet écart. Les femmes, souvent sous-représentées dans les rôles de direction, apportent des perspectives nouvelles, particulièrement dans des secteurs en quête de modernisation.
Le fonds cible des entreprises stables avec un potentiel de croissance. Par exemple, une usine de fabrication pourrait bénéficier d’une digitalisation poussée, ou une entreprise de services pourrait élargir son marché grâce à des stratégies innovantes. Ces opportunités, bien que prometteuses, nécessitent un accompagnement rigoureux, que la BDC s’engage à fournir.
Un Écosystème en Construction
Historiquement, les fonds de recherche pour les acquisitions (search funds) au Canada dépendaient largement des investisseurs américains. La BDC veut changer la donne en développant un écosystème local. En s’inspirant de modèles éprouvés aux États-Unis et en Europe, où les accélérateurs et les fonds dédiés à l’ETA (Entrepreneurship Through Acquisition) sont en plein essor, la BDC ambitionne de faire du Canada un leader dans ce domaine.
Pour y parvenir, la banque mise sur des partenariats stratégiques et des profils expérimentés. Amanda Kattan, avec son passé en capital-investissement et sa connaissance des rouages financiers, incarne cette ambition. Son rôle sera crucial pour guider les entrepreneures dans des processus complexes comme la due diligence ou les négociations.
Un Défi de Taille : Trouver la Bonne Entreprise
Identifier une entreprise à racheter est souvent le plus grand obstacle. Contrairement aux idées reçues, ce n’est pas un simple tour sur un marché virtuel. Cela demande du temps, des appels à froid et un réseau solide. La BDC prévoit d’utiliser son propre portefeuille pour connecter vendeurs et acheteurs potentiels, une initiative qui pourrait simplifier ce processus.
« Trouver la bonne entreprise repose souvent sur le travail acharné du chercheur. Nous voulons ouvrir plus de portes. »
– Sévrine Labelle
En outre, le fonds met l’accent sur la transition post-acquisition. Gérer une entreprise nouvellement acquise, surtout dans un secteur traditionnel, peut être intimidant. Le programme d’accélérateur de la BDC offre donc des formations sur la gestion, la modernisation et la croissance, assurant une passation réussie.
Un Engagement Plus Large
Ce fonds s’inscrit dans une stratégie plus vaste de la BDC pour soutenir l’entrepreneuriat diversifié. En 2022, la banque a engagé 500 millions de dollars pour les startups et fonds dirigés par des femmes via sa plateforme Thrive. Plus récemment, un fonds de 100 millions de dollars a été lancé avec la Banque des Premières Nations du Canada pour soutenir les acquisitions par des groupes autochtones. Ces initiatives montrent l’engagement de la BDC à jouer un rôle complémentaire sur le marché, là où les acteurs traditionnels hésitent à s’aventurer.
Selon le dernier rapport annuel de la BDC, la banque a soutenu directement 21 586 femmes entrepreneurs et vise à atteindre 23 000 d’ici 2027. Ces chiffres témoignent de l’impact tangible de ses programmes, qui vont au-delà du simple financement.
Un Avenir Prometteur
Le Thrive ETA Fund n’est pas seulement un investissement financier. Il s’agit d’un catalyseur pour redéfinir l’entrepreneuriat au Canada. En donnant aux femmes les moyens de prendre les rênes d’entreprises établies, la BDC ouvre la voie à une nouvelle génération de leaders. Ces entrepreneures, armées de capital, de savoir-faire et de mentorat, sont prêtes à transformer des entreprises traditionnelles en moteurs d’innovation.
Mais le chemin est encore long. Le succès de cette initiative dépendra de la capacité des entrepreneures à naviguer dans un marché complexe et à surmonter les défis inhérents aux acquisitions. Avec le soutien de la BDC, ces femmes ont une chance unique de laisser leur marque. Et si c’était le début d’une nouvelle ère pour l’entrepreneuriat féminin au Canada ?