Framatome relève le défi du nucléaire français en série
La filière nucléaire française est à un tournant de son histoire. Pour réussir la relance voulue par les pouvoirs publics et passer à un rythme de production inédit d'un à deux EPR par an, les industriels doivent relever un véritable défi. En première ligne, Framatome, filiale d'EDF et acteur incontournable du secteur, est en pleine transformation pour être capable de produire les réacteurs en série.
Dans les coulisses des usines Framatome, c'est une véritable révolution qui est en marche. Ici au Creusot, là à Saint-Marcel ou encore à Montbard et Paimboeuf, les lignes bougent pour mettre en place de nouveaux processus industriels et adopter les méthodes éprouvées d'autres secteurs comme l'aéronautique ou l'automobile.
Le Creusot, usine vitale pour les pièces de grande taille
Prenons l'exemple de l'usine du Creusot, un site qui a fait la une pour de mauvaises raisons dans un passé récent, avec l'affaire des dossiers barrés. Aujourd'hui, l'heure est à la reconquête et à la transformation pour ce maillon essentiel de la chaîne. C'est ici que sont forgées les viroles et autres pièces de grande taille indispensables aux réacteurs EPR.
Depuis 2019, tout a doublé au Creusot : l'effectif est passé de 250 à 500 personnes et le nombre de pièces forgées de 30 à 70.
– Laurent Gless, directeur du site du Creusot
Un investissement de 100 millions d'euros a déjà été réalisé, 40 millions supplémentaires sont prévus. Le site est désormais certifié pour forger les pièces des futurs EPR2, une étape cruciale. Prochain objectif : réduire les délais de production de 18 à 9 mois en traquant les sources de gaspillage.
Saint-Marcel se met au lean pour les générateurs de vapeur
À quelques kilomètres de là, l'usine de Saint-Marcel est elle aussi en pleine mue. Spécialisée dans l'assemblage des générateurs de vapeur et des cuves pour EPR, elle applique désormais les recettes du lean manufacturing venues tout droit de l'industrie automobile, avec un projet d'extension de 27 000 m² à la clé.
L'objectif est de produire 6 générateurs de vapeur par an contre seulement 8 sur les six dernières années, grâce à la définition de 30 étapes à cadencer pour chaque générateur.
– Stéphane Ecoffey, responsable technique du projet
120 nouveaux postes de travail polyvalents seront créés pour mettre en place le fameux "takt time", le temps idéal de production. Un changement de culture pour la filière nucléaire, qui s'inspire des meilleures pratiques d'autres industries.
Montbard et Paimboeuf, maillons essentiels
Dans l'Hexagone, impossible de parler de Framatome sans évoquer les usines de Montbard et Paimboeuf, elles aussi en première ligne. La première, spécialiste des tubes pour générateurs de vapeur, a les capacités pour alimenter jusqu'à 3 EPR par an. La seconde, plus grosse tuberie de zirconium au monde, vise les 10 000 km de tubes par an contre 9 200 actuellement.
Vers une standardisation des processus
L'enjeu est de taille pour la filière nucléaire française. Il s'agit de réussir le passage d'un artisanat de haute technologie à une production en série, tout en maintenant le même niveau d'exigence en termes de sûreté et de qualité. Pour y arriver, Framatome mise sur une standardisation de ses processus industriels.
Les usines travaillent main dans la main pour adopter les mêmes standards, les mêmes outils de suivi de production, de gestion des écarts ou encore de management visuel. Une révolution culturelle pour certains sites historiques, qui se mettent à l'heure de l'industrie 4.0 avec des méthodes comme le QRQC, le 5S ou les chantiers Smed.
Les premiers résultats sont là. Le nombre d'écarts de conformité a été divisé par 6 sur certaines opérations, les temps de production significativement réduits. Mais le chemin est encore long pour être au rendez-vous des nouveaux EPR made in France et tenir la promesse d'un nucléaire en série.
Une mobilisation de toute la filière
Au-delà de Framatome, c'est toute l'industrie nucléaire française qui se met en ordre de marche. De la forge aux assemblages de combustible en passant par la robinetterie nucléaire, chaque maillon de la chaîne se transforme et innove pour être à la hauteur de l'enjeu : faire de la France un leader du nouveau nucléaire, compétitif et exportable.
EDF, en chef de file, suit de très près les progrès de ses fournisseurs. L'électricien a d'ailleurs des équipes en permanence dans les usines Framatome pour contrôler et accompagner la montée en puissance. Un défi collectif et une mobilisation sans précédent pour réussir le pari d'un nucléaire du futur, au service de la transition bas carbone.