Gander : Le Réseau Social Canadien qui Lève 1,5 M$
Imaginez un réseau social où vos données restent au Canada, où vous êtes actionnaire dès 255 $, et où l’on vous dit merci en français et en anglais. Ce n’est plus un rêve : c’est Gander qui vient de franchir un cap symbolique en levant plus de 1,5 million de dollars auprès du grand public.
Gander : quand les Canadiens reprennent la main sur leurs données
Le 10 décembre 2025, Ben Waldman, PDG de Gander Social, a annoncé une nouvelle qui fait du bruit dans l’écosystème tech canadien : la jeune pousse a atteint, puis dépassé, son objectif de 1,5 million de dollars en equity crowdfunding. Mieux encore, près de 300 000 $ supplémentaires étaient encore en cours de traitement au moment de l’annonce. Résultat : la campagne, initialement prévue pour se terminer mi-décembre, est prolongée jusqu’en janvier 2026.
En à peine un mois, Gander est passé de 1 million à presque 2 millions levés. Un succès qui dépasse les espérances de l’équipe et qui révèle un message clair : les Canadiens en ont assez des géants américains.
Un modèle de propriété partagé inédit au Canada
Ce qui rend Gander unique, ce n’est pas seulement son ambition de créer « le réseau social canadien », c’est surtout sa structure de financement. Via la plateforme torontoise FrontFundr, n’importe qui peut devenir actionnaire pour un ticket d’entrée de seulement 255 $ (1,50 $ par action).
À ce jour, plus de 1 800 Canadiens ont franchi le pas. Ils ne sont pas de simples utilisateurs : ils sont copropriétaires. Ils ont accès à un groupe privé sur la future plateforme, à des invitations prioritaires et même à l’assemblée générale annuelle.
« Lever des fonds auprès du public canadien public correspond parfaitement à notre mission de propriété collaborative. En bon Canadien, on veut juste… give’r ! »
– Ben Waldman, PDG de Gander Social
Une technologie décentralisée made in Canada
Gander ne part pas de zéro. L’application repose sur le protocole ouvert AT Protocol, le même qui alimente Bluesky (ex-Twitter décentralisé de Jack Dorsey). Ce choix technique n’est pas anodin :
- Serveurs 100 % hébergés au Canada
- Données personnelles protégées par les lois canadiennes (PIPEDA et future loi québécoise 25)
- Possibilité pour l’utilisateur de migrer ses données ou son compte vers une autre instance (portabilité totale)
- Open-source : le code est public et auditable
En clair, si demain vous n’êtes plus satisfait de Gander, vous pourrez emporter vos abonnés, vos publications et vos relations ailleurs. Un luxe que ni Facebook, ni Instagram, ni X ne vous offrent aujourd’hui.
Un marché de plus de 30 millions de Canadiens à conquérir
Les chiffres parlent d’eux-mêmes : plus de 30 millions de Canadiens passent en moyenne plus de deux heures par jour sur les réseaux sociaux. Pourtant, aucun grand réseau généraliste n’est détenu ou hébergé au pays. Gander veut combler ce vide.
Plus de 34 000 personnes sont déjà inscrites sur la liste d’attente lancée au printemps 2025. La beta fermée est en cours, et le lancement public est prévu pour le premier trimestre 2026.
L’équipe reconnaît que l’application est encore imparfaite : « Est-ce qu’elle est belle ? Oui. Est-ce qu’elle a des bugs ? Aussi oui », plaisante Ben Waldman. Mais c’est précisément cette transparence qui séduit.
Une entreprise à mission (« benefit company »)
Gander est enregistrée en Colombie-Britannique comme public benefit corporation (équivalent canadien des entreprises à mission). Cela signifie qu’elle doit poursuivre un objectif sociétal ou environnemental en plus du profit, avec des obligations renforcées de transparence.
Parmi les conseillers stratégiques, on retrouve des figures connues des Canadiens : Arlene Dickinson (Dragons’ Den) et Amber Mac, deux entrepreneuses médiatiques très respectées.
Pourquoi ce succès populaire change la donne
Ce crowdfunding n’est pas qu’une opération financière. C’est un acte politique déguisé. À l’heure où Ottawa multiplie les projets de loi pour obliger Meta à payer les médias canadiens, où les questions de souveraineté numérique reviennent sans cesse, Gander propose une réponse concrète : et si on construisait nous-mêmes notre réseau ?
Le modèle rappelle celui de Wikipédia ou de Mozilla : une infrastructure numérique essentielle financée et gouvernée par ses utilisateurs. Sauf qu’ici, les utilisateurs sont aussi actionnaires. C’est du jamais-vu à cette échelle au Canada.
Les défis qui attendent Gander en 2026
Rien n’est gagné. Concurrencer les géants demande :
- Une expérience utilisateur irréprochable dès le lancement public
- Un effet réseau rapide (plus il y a d’utilisateurs, plus la plateforme devient attractive)
- Un modèle économique viable (publicité ciblée mais respectueuse ? abonnement premium ?)
- Une modération efficace sans tomber dans la censure ou le laxisme
Mais l’élan populaire est là. Et quand 1 800 personnes mettent leur argent dans un projet avant même qu’il soit lancé, c’est que quelque chose de profond est en train de se jouer.
Conclusion : un vent de souveraineté numérique souffle sur le Canada
Gander n’est encore qu’une jeune pousse. Mais elle porte déjà une ambition démesurée : redonner aux Canadiens le contrôle de leur vie numérique. En dépassant si vite son objectif de crowdfunding, elle prouve que des milliers de personnes sont prêtes à investir temps et argent dans cette vision.
2026 sera l’année de vérité. Soit Gander devient le premier vrai réseau social généraliste canadien depuis des décennies. Soit il rejoint la longue liste des « presque ». Mais une chose est sûre : le débat sur la souveraineté numérique vient de passer du théorique au concret.
Et vous, seriez-vous prêt à quitter Meta ou X pour un réseau dont vous êtes actionnaire ? La campagne est toujours ouverte jusqu’en janvier…