
General Fusion : Crise et Futur de l’Énergie
Imaginez une technologie capable de fournir une énergie propre, quasi illimitée, pour alimenter des villes entières sans émissions de carbone. Cette promesse, portée par la fusion nucléaire, est au cœur de l’ambition de General Fusion, une entreprise canadienne qui rêve de révolutionner le secteur énergétique. Pourtant, en mai 2025, cette vision audacieuse se heurte à une réalité brutale : des licenciements, une réduction des opérations et une quête désespérée de financement. Comment une entreprise aussi prometteuse en est-elle arrivée là, et quel avenir attend cette technologie qui pourrait changer le monde ?
General Fusion : une ambition freinée par la crise
Basée à Richmond, en Colombie-Britannique, General Fusion est depuis 2002 un acteur clé dans le développement de la fusion nucléaire. Contrairement à la fission, qui alimente les centrales nucléaires actuelles, la fusion reproduit les processus du soleil pour générer une énergie propre et durable. Mais en mai 2025, l’entreprise traverse une tempête financière imprévue, marquée par des contraintes de financement qui l’ont forcée à réduire ses effectifs et à revoir ses ambitions à court terme.
Une crise financière inattendue
Greg Twinney, PDG de General Fusion, a récemment publié une lettre ouverte expliquant que des « contraintes financières urgentes et inattendues » ont poussé l’entreprise à prendre des mesures drastiques. Environ un quart des employés auraient été licenciés, selon certaines sources, bien que l’entreprise n’ait pas confirmé ce chiffre. Cette situation est d’autant plus surprenante que General Fusion avait levé environ 440 millions de dollars canadiens depuis sa création, avec le soutien de figures comme Jeff Bezos et Tobi Lüt'Arry Lütke.
Nous ne sommes pas une start-up naissante avec un simple rêve ; nous sommes des experts en fusion avec une vision claire du succès et une machine pour le prouver.
– Greg Twinney, PDG de General Fusion
Pourtant, cette expertise ne suffit pas à surmonter les obstacles actuels. General Fusion cherche désormais 172,7 millions de dollars canadiens pour maintenir ses projets sur les rails, dans un contexte où les investisseurs se montrent prudents et les tensions commerciales entre le Canada et les États-Unis compliquent les partenariats.
Les défis d’un marché instable
Le contexte géopolitique et économique joue un rôle majeur dans les difficultés de General Fusion. Aux États-Unis, l’administration Trump a démantelé plusieurs initiatives en faveur des énergies renouvelables, y compris des projets de fusion soutenus par le Département de l’Énergie américain (DoE). Ce revirement a refroidi les ardeurs des investisseurs, qui adoptent une approche plus conservatrice face aux technologies à long terme comme la fusion.
En parallèle, les relations commerciales tendues entre le Canada et les États-Unis ajoutent une couche d’incertitude. General Fusion, qui collaborait avec le DoE depuis 2022, doit désormais naviguer dans un environnement où les priorités politiques favorisent d’autres secteurs. Cette situation illustre un défi récurrent pour les start-ups innovantes : la dépendance aux capitaux extérieurs dans un marché volatile.
Une technologie révolutionnaire en péril ?
General Fusion développe une approche unique appelée Magnetized Target Fusion, qui utilise des impulsions courtes pour créer les conditions nécessaires à la fusion. Cette méthode, moins coûteuse que les réacteurs de type Tokamak, pourrait permettre de construire des centrales plus proches des zones urbaines, avec une empreinte carbone quasi nulle. Un réacteur de 300 mégawatts pourrait alimenter environ 150 000 foyers canadiens de manière continue.
En mars 2025, l’entreprise a franchi une étape majeure en créant son premier plasma magnétisé dans son installation de démonstration LM26. Quelques semaines plus tard, un test à grande échelle a confirmé la viabilité de la technologie. L’objectif à court terme est d’atteindre une température de 10 millions de degrés Celsius, puis de viser les 100 millions de degrés nécessaires pour un équilibre énergétique, où l’énergie produite dépasse celle consommée.
Nous ne voulons pas ralentir dans cette course mondiale.
– Dainelle Johnson, porte-parole de General Fusion
Malgré ces avancées, le manque de financement menace de freiner cette dynamique. Sans nouveaux investissements, General Fusion risque de perdre son avantage dans une compétition mondiale où d’autres acteurs, comme les États-Unis et la Chine, investissent massivement dans la fusion.
Les implications pour l’avenir énergétique
La crise de General Fusion soulève des questions cruciales sur l’avenir de l’énergie verte. La fusion nucléaire est souvent présentée comme la solution ultime pour répondre à la demande énergétique mondiale tout en luttant contre le changement climatique. Cependant, les défis financiers et politiques rappellent que l’innovation ne suffit pas : elle doit s’accompagner d’un soutien stable et d’une vision à long terme.
Pour General Fusion, l’urgence est de trouver des partenaires stratégiques, qu’il s’agisse d’investisseurs privés, de gouvernements ou même d’acheteurs potentiels. L’entreprise explore toutes les options pour sécuriser les fonds nécessaires et poursuivre son calendrier ambitieux, qui vise un déploiement commercial dans les années 2030.
Le rôle des investisseurs et des gouvernements
Le parcours de General Fusion met en lumière le rôle crucial des investisseurs et des pouvoirs publics dans le soutien aux technologies émergentes. Parmi les soutiens notables de l’entreprise figurent des noms comme Jeff Bezos, fondateur d’Amazon, et Tobi Lütke, PDG de Shopify. Le gouvernement canadien a également contribué à hauteur de 69 millions de dollars, preuve de l’importance accordée à cette technologie.
Cependant, la frilosité actuelle des investisseurs montre les limites d’un modèle où les start-ups dépendent de capitaux privés pour des projets à haut risque. Une plus grande implication des gouvernements, notamment à travers des subventions ou des partenariats public-privé, pourrait stabiliser des entreprises comme General Fusion et accélérer le développement de la fusion.
Une course contre la montre
General Fusion se trouve à un tournant décisif. D’un côté, ses avancées technologiques renforcent sa crédibilité et son potentiel pour transformer le paysage énergétique. De l’autre, la crise financière actuelle menace de ralentir, voire de compromettre, des années de recherche et d’innovation. Cette situation illustre les défis auxquels font face les start-ups dans des secteurs de pointe, où les besoins en capitaux sont immenses et les résultats souvent lointains.
Voici les principaux enjeux auxquels General Fusion doit faire face :
- Sécuriser un financement de 172,7 millions de dollars canadiens pour maintenir ses opérations.
- Naviguer dans un climat politique et commercial instable, notamment avec les États-Unis.
- Maintenir son avance dans la course mondiale à la fusion nucléaire.
- Renforcer la confiance des investisseurs en démontrant des résultats concrets.
Pour General Fusion, chaque jour compte. L’entreprise doit non seulement surmonter ses défis financiers, mais aussi convaincre le monde que la fusion nucléaire est une priorité stratégique pour l’avenir de la planète.
Un appel à l’action pour l’innovation
L’histoire de General Fusion est celle d’une ambition extraordinaire confrontée aux réalités du monde réel. Elle nous rappelle que les grandes avancées technologiques nécessitent du courage, de la persévérance et un soutien collectif. La fusion nucléaire pourrait redéfinir notre rapport à l’énergie, mais seulement si nous investissons dans son avenir dès aujourd’hui.
Alors que General Fusion lutte pour sa survie, une question demeure : sommes-nous prêts à parier sur une technologie qui pourrait résoudre la crise climatique, ou laisserons-nous les incertitudes financières freiner ce rêve ? L’avenir de l’énergie verte dépend de notre réponse.