
GetReal Révolutionne-t-il la Lutte contre les Deepfakes ?
Imaginez un monde où une simple vidéo pourrait faire tomber une entreprise ou influencer une élection. Les deepfakes, ces créations ultra-réalistes générées par l’intelligence artificielle, ne sont plus une fiction mais une menace bien réelle. Face à ce fléau, une startup américaine, GetReal, semble avoir pris une longueur d’avance avec une levée de fonds de 17,5 millions de dollars et une technologie qui intrigue déjà les géants comme Visa ou John Deere. Mais ont-ils vraiment trouvé la clé pour déjouer ces impostures numériques ? Plongeons dans cette aventure technologique qui pourrait redéfinir la cybersécurité.
GetReal : Une Réponse Audacieuse aux Deepfakes
L’essor fulgurant de l’intelligence artificielle a un revers sombre : la multiplication des deepfakes. Ces contenus falsifiés, qu’il s’agisse de vidéos, d’audios ou d’images, ont déjà coûté des millions à des entreprises et semé le doute dans les sphères politiques. GetReal, fondée par Hany Farid, un pionnier dans la détection des manipulations numériques, et Ted Schlein, figure influente du capital-risque, ambitionne de contrer cette vague avec une plateforme innovante. Leur promesse ? Identifier et neutraliser ces menaces en temps réel.
Une Technologie Forgée par l’Expertise
Au cœur de GetReal, il y a Hany Farid, un universitaire de renom affilié à UC Berkeley. Depuis plus de vingt ans, il décortique les images truquées, bien avant que le terme *deepfake* n’entre dans le langage courant. Son savoir-faire, combiné à une équipe chevronnée dirigée par Matt Moynahan, ancien patron de géants comme Symantec, transforme cette expertise en une solution scalable. Leur plateforme propose une interface web, une API et des intégrations pour analyser les médias à la volée.
« Personne ne scrute ce domaine comme Hany. Mais Hany seul ne suffit pas. Nous avons créé un service cloud qui le multiplie. »
– Matt Moynahan, PDG de GetReal
Cette approche hybride mêle des techniques vieilles de deux décennies, toujours efficaces, à des innovations récentes. Sans dévoiler leurs secrets, Farid insiste sur la complexité de leur méthode : un savant mélange de rétro-ingénierie des nouvelles applications et de savoir-faire éprouvé.
17,5 Millions de Dollars : Un Pari Solide
Le 26 mars 2025, GetReal a officialisé une levée de fonds de 17,5 millions de dollars en série A, menée par Forgepoint Capital, expert en cybersécurité et IA. D’autres investisseurs de poids, comme Ballistic Ventures (qui a incubé la startup depuis 2022), Evolution Equity et K2 Access Fund, ont rejoint l’aventure. À cela s’ajoutent des soutiens stratégiques prestigieux : Cisco Investments, Capital One Ventures et In-Q-Tel, lié à la CIA. Ce financement servira à booster la R&D, recruter des talents et accélérer le développement commercial.
Ce n’est pas une première pour GetReal. En 2024, lors de sa sortie de l’ombre, Ballistic avait déjà injecté 7 millions de dollars en seed. Cette continuité montre la confiance des investisseurs dans une équipe qui allie vision et exécution.
Une Plateforme Taillée pour les Défis Actuels
La plateforme de GetReal ne se contente pas de détecter les deepfakes ; elle offre une panoplie d’outils adaptés aux besoins des entreprises et des gouvernements. Parmi ses fonctionnalités phares :
- Un tableau de bord pour évaluer les risques d’exposition aux menaces.
- « Inspect », un outil pour protéger les dirigeants contre les usurpations.
- « Protect », pour filtrer les médias en temps réel.
- « Respond », une analyse approfondie par des experts humains.
Ces solutions visent des secteurs clés : finance, médias, gouvernements. Des noms comme Visa et John Deere figurent déjà parmi les clients, preuve que la demande est là. Les DSI, poussés par leurs conseils d’administration, cherchent des réponses face à des PDG imités dans des interviews ou des arnaques sophistiquées.
Pourquoi les Deepfakes Sont-ils si Dangereux ?
Les deepfakes ne sont pas qu’un gadget amusant. Ils ont déjà causé des ravages. Une fausse vidéo d’un PDG en visioconférence a poussé un employé à transférer 25 millions de dollars à des escrocs. Une image truquée d’une explosion au Pentagone a fait trembler les marchés. Matt Moynahan va plus loin :
« Je n’ai jamais vu une menace aussi omniprésente. Même les virus semblent anodins en comparaison. »
– Matt Moynahan, PDG de GetReal
Le passage des entreprises au tout-numérique, combiné à des applications grand public qui démocratisent la création de deepfakes, amplifie le problème. Même les esprits les plus aguerris tombent dans le panneau, comme le prouvent les succès du phishing ces dernières années.
Un Marché en Pleine Ébullition
La cybersécurité est un secteur saturé, mais la forensique numérique reste un terrain vierge. « Si vous pensez que la cybersécurité manque de talents, attendez de voir la forensique », avertit Moynahan. GetReal comble ce vide en industrialisant les compétences rares de Farid. Les industries réglementées, comme la finance, sont en première ligne, mais les gouvernements aussi, avec des priorités liées à la sécurité nationale.
Alberto Yépez, de Forgepoint, confirme cet engouement. Lors de ses recherches, il a constaté une demande croissante de la part des institutions financières et des agences publiques. Les deepfakes ne sont plus une hypothèse : ils sont une réalité que les organisations doivent affronter dès maintenant.
Les Limites Actuelles : Le Cas du Texte
Pour l’instant, GetReal se concentre sur l’audio, la vidéo et les images. Le texte, bien que tout aussi vulnérable aux manipulations, reste hors de portée. Farid le reconnaît : « C’est une tout autre bête. » Un incident récent, où un rédacteur en chef de *The Atlantic* a été ajouté à un groupe Signal planifiant une attaque au Yémen, illustre cette lacune. Pourtant, l’équipe prévoit d’élargir son champ d’action à long terme.
Cette prudence montre une stratégie réfléchie : maîtriser un domaine avant de s’attaquer au suivant. Mais dans un monde où les menaces évoluent vite, cette limite pourrait-elle freiner leur ambition ?
Une Équipe de Choc pour un Défi Global
GetReal, c’est avant tout une histoire d’hommes. Hany Farid apporte la science, Ted Schlein la vision stratégique (forgée chez Kleiner Perkins), et Matt Moynahan l’expérience opérationnelle. Cette combinaison rare positionne la startup comme un acteur crédible face à un problème mondial. Leurs investisseurs, de Cisco à In-Q-Tel, parient sur cette alchimie pour faire de GetReal un leader.
Leur siège à San Mateo, en Californie, ancre l’entreprise au cœur de la Silicon Valley, un choix symbolique pour une mission qui touche à la fois la technologie et la société. Car au-delà des entreprises, c’est la confiance dans l’information qui est en jeu.
Vers un Futur Sans Faux-Semblants ?
Alors, GetReal a-t-il vraiment « craqué le code » des deepfakes ? Leur levée de fonds impressionnante et leurs premiers succès auprès de clients majeurs suggèrent que oui. Mais le chemin est encore long. Les outils qu’ils développent aujourd’hui pourraient devenir indispensables demain, à mesure que l’IA se perfectionne et que les arnaques se sophistiquent.
Pour les entreprises, c’est une bouffée d’espoir : un moyen de protéger leurs dirigeants, leurs finances et leur réputation. Pour les gouvernements, une arme contre la désinformation. Et pour nous tous, peut-être une chance de préserver un semblant de vérité dans un monde numérique de plus en plus flou.
Reste une question : jusqu’où ira GetReal ? Avec des ambitions d’expansion et une équipe déterminée, cette startup pourrait bien redessiner les contours de la cybersécurité. Une chose est sûre : les deepfakes ont trouvé un adversaire à leur mesure.