Google et Accel misent sur l’IA indienne
Imaginez un pays de 1,4 milliard d’habitants, deuxième base d’utilisateurs internet au monde, des ingénieurs brillants formés dans les meilleures écoles… mais presque aucun modèle d’intelligence artificielle de pointe développé localement. C’est l’Inde d’aujourd’hui. Et c’est précisément pour faire basculer cette réalité que Google vient de frapper un grand coup.
Google et Accel s’allient pour créer les futurs géants indiens de l’IA
Le 24 novembre 2025, Accel et Google ont annoncé un partenariat inédit : les deux géants co-investiront jusqu’à 2 millions de dollars dans chaque startup sélectionnée via le programme Atoms d’Accel, avec une contribution à parts égales (1 M$ chacun). Le cohort 2026 sera exclusivement dédié aux fondateurs indiens ou d’origine indienne qui construisent des produits AI-native dès le premier jour.
Ce n’est pas une simple opération de capital-risque classique. C’est la première fois que le Google AI Futures Fund, lancé en mai 2025, s’associe à un fonds local aussi profondément.
« C’est la première collaboration de ce type pour le Futures Fund dans le monde entier, et nous avons choisi l’Inde pour une raison. »
– Jonathan Silber, directeur du Google AI Futures Fund
Un package qui fait rêver tous les fondateurs précoces
Au-delà de l’argent, les startups retenues recevront un arsenal complet :
- Jusqu’à 350 000 dollars de crédits sur Google Cloud, Gemini et DeepMind
- Accès anticipé aux derniers modèles Gemini et aux fonctionnalités expérimentales DeepMind
- Mentoring mensuel avec les partners Accel et les tech leads Google
- Immersion à Londres et dans la Bay Area (Google I/O inclus)
- Soutien marketing via les canaux mondiaux des deux géants
En clair : tout ce dont une startup de 2-3 personnes a besoin pour passer de l’idée au produit scalable en quelques mois.
Pourquoi l’Inde, pourquoi maintenant ?
L’Inde cumule des atouts rares. Des coûts de développement dix fois inférieurs à la Silicon Valley. Une population mobile-first ultra-connectée. Et surtout un vivier d’ingénieurs exceptionnel : les IIT (Indian Institutes of Technology) figurent parmi les écoles les plus sélectives au monde.
Mais jusqu’à présent, la majorité de ce talent partait nourrir les géants américains ou créait des entreprises de services. Résultat : zéro licorne purement IA made in India dans le top mondial.
Le vent tourne. OpenAI, Anthropic, Perplexity ouvrent des bureaux. Microsoft, Amazon et Google construisent des data centers géants. Et les investisseurs comprennent enfin que le prochain grand modèle pourrait très bien être entraîné à Mumbai ou Bangalore plutôt qu’à San Francisco.
« Nous voulons construire des produits IA pour des milliards d’Indiens, mais aussi des produits conçus en Inde pour le monde entier. »
– Prayank Swaroop, partner chez Accel
Des domaines d’investissement très larges
Contrairement à certains programmes ultra-spécialisés, Google et Accel restent ouverts à presque tous les secteurs :
- Créativité et divertissement (génération d’images, musique, vidéo)
- Productivité et futur du travail (nouveaux SaaS dopés à l’IA)
- Coding et développement (assistants nouvelle génération)
- Et même… modèles fondateurs (foundation models) conçus en Inde
Prayank Swaroop le dit clairement : « Si dans 12 à 24 mois un nouveau type d’architecture ou de multimodalité émerge, nous voulons qu’il y ait des startups indiennes qui surfent dessus dès le premier jour. »
Pas d’exclusivité… mais un avantage Google évident
Officiellement, aucune obligation d’utiliser exclusivement Gemini ou Google Cloud. Les fondateurs pourront mixer avec Claude, GPT-4o ou Llama.
Mais soyons réalistes : quand on vous offre 350 000 dollars de crédits et un accès direct aux équipes DeepMind, l’envie de construire sur l’écosystème Google devient… irrésistible.
Jonathan Silber l’admet à demi-mot : « Parfois Gemini sera le meilleur choix, parfois non. Mais nous cherchons des intégrations uniques qui mettent en valeur nos technologies. »
Accel Atoms : déjà une machine à succès
Lancé en 2021, le programme Atoms a déjà soutenu plus de 40 startups qui ont ensuite levé plus de 300 millions de dollars au total. En 2025, il s’est étendu aux fondateurs indiens basés à l’étranger.
Ce partenariat avec Google arrive juste après une autre alliance majeure : Accel + Prosus pour le programme Atoms X dédié aux solutions de masse pour le marché indien.
Autrement dit, Accel est en train de construire le plus puissant accélérateur pré-seed du sous-continent.
Et Google dans tout ça ? Une stratégie long terme
Google n’est pas naïf. L’Inde représente déjà son deuxième marché mondial. Le groupe y a annoncé :
- 15 milliards de dollars pour un campus data center + hub IA d’1 gigawatt
- 10 milliards via le Digitization Fund depuis 2020
- Partenariat avec Reliance Jio pour offrir Gemini à des centaines de millions d’utilisateurs
Investir dès le pré-seed dans les futures pépites indiennes, c’est s’assurer qu’elles grandissent dans l’écosystème Google Cloud et Gemini. Même si ce n’est pas l’objectif officiel.
Les premiers signaux d’un basculement historique
Depuis quelques mois, les signaux s’accumulent :
- Sarita (ex-COO de Meta India) lance son fondsuin own AI startup
- Krutrim (fondé par Bhavish Aggarwal d’Ola) devient la première licorne IA indienne
- Des chercheurs des IIT publient des papiers qui font le tour de la Silicon Valley
Le programme Google-Accel arrive au meilleur moment. Comme un catalyseur qui pourrait transformer l’Inde de simple réservoir de talents en véritable puissance créatrice d’IA.
Dans deux ou trois ans, quand on parlera du prochain grand modèle ou de l’application IA qui a conquis le monde, il se pourrait bien que le fondateur réponde depuis Bangalore plutôt que depuis Palo Alto.
Et quelque part, Google et Accel auront été les premiers à y croire vraiment.