Google Refuse les Exigences de l’UE sur le Fact-Checking
Dans un climat de méfiance croissante envers les géants du numérique, un nouveau chapitre s'écrit dans les relations tumultueuses entre l'Union Européenne et les mastodontes de la Silicon Valley. Google vient en effet d'annoncer son refus de se plier aux exigences européennes en matière de fact-checking, une décision lourde de conséquences qui ravive les tensions autour de la régulation des contenus en ligne.
L'UE durcit le ton face à la désinformation
Face à la prolifération des fake news et à l'influence grandissante des réseaux sociaux dans le débat public, l'Union Européenne a décidé de muscler sa réponse. En 2022, un Code de bonnes pratiques contre la désinformation avait été adopté sur la base du volontariat des GAFA. Mais avec l'entrée en vigueur de la Loi sur les Services Numériques (DSA) en 2023, la donne a changé. Bruxelles entend désormais rendre ce code obligatoire et contraignant pour les plateformes, sous peine de lourdes sanctions.
Concrètement, les nouvelles règles exigent des géants du web qu'ils intègrent une vérification systématique des faits à leurs contenus. Pour Google, cela implique d'appliquer le fact-checking aux résultats de son moteur de recherche et aux vidéos Youtube, mais aussi d'intégrer ces vérifications dans le classement de ses algorithmes. Un véritable séisme pour le modèle économique de la firme, bâti sur une circulation libre et massive de l'information.
Google campe sur ses positions
Mais Mountain View n'entend pas se laisser dicter sa conduite. Dans une lettre adressée à la Commission Européenne et révélée par Axios, le président des affaires mondiales de Google, Kent Walker, exprime un refus catégorique. Il juge les demandes de l'UE "inappropriées" et "inefficaces" pour ses services, ajoutant que Google se retirera de tous ses engagements volontaires en matière de fact-checking si le code devient obligatoire sous sa forme actuelle.
"Google se retirera de tous les engagements de vérification des faits du Code avant qu'il ne devienne un Code de conduite DSA"
Kent Walker, Président des affaires mondiales de Google
Pour justifier sa position, l'entreprise met en avant ses propres pratiques de modération, qui auraient selon elle "donné de bons résultats" lors des dernières élections. Une manière de réaffirmer son attachement à l'autorégulation et son hostilité aux ingérences extérieures dans sa politique de gestion des contenus.
Un front uni des géants de la tech ?
Google n'est pas le seul à partir en croisade contre les velléités régulatrices de l'Europe. Meta (Facebook) a également annoncé la fin de son programme de fact-checking, lui préférant un système de "notes communautaires" inspiré de la plateforme X d'Elon Musk. Son PDG Mark Zuckerberg a même promis de s'allier à Donald Trump pour "faire reculer les pays qui tentent de contrôler les plateformes de réseaux sociaux", ciblant directement l'UE.
Un front commun des GAFA semble donc se dessiner pour défendre bec et ongles leur souveraineté numérique face aux assauts des régulateurs. Mais l'Union Européenne, forte de sa nouvelle législation, paraît déterminée à ne pas céder. Gare au bras de fer...
Une bataille aux enjeux cruciaux
Car au-delà d'un simple désaccord technique, c'est bien une guerre idéologique qui se joue en coulisses. D'un côté, le modèle européen qui entend responsabiliser les plateformes et assainir le débat public au nom de la démocratie. De l'autre, la vision libertarienne de la Silicon Valley, attachée à un Internet décentralisé et sans entraves, quitte à fermer les yeux sur certaines dérives.
L'issue de ce combat aura des répercussions majeures pour l'avenir du numérique et de nos sociétés. Car derrière la question du fact-checking, c'est bien le rôle et le pouvoir des géants de la tech qui sont en jeu. Leur refus de jouer le jeu de la régulation interroge sur leur capacité à incarner l'intérêt général et soulève des questions démocratiques fondamentales. Qui doit décider ce qui est acceptable ou non en ligne ? Selon quels critères ? Et avec quels contre-pouvoirs ?
Une chose est sûre : la techlash ne fait que commencer. La défiance envers les GAFA, accusés tour à tour d'abus de position dominante, d'évasion fiscale ou d'atteintes à la vie privée, atteint des sommets. Et la volonté de les réguler, hier marginale, s'affirme comme un impératif politique majeur du 21e siècle. Les lignes bougent, les équilibres vacillent.
L'affaire du fact-checking n'est qu'une escarmouche parmi d'autres dans cette vaste redistribution des cartes. Mais elle illustre parfaitement les lignes de fracture à l'œuvre et les défis à venir. Une nouvelle ère s'annonce, où la tech devra apprendre à composer avec l'intérêt collectif. Personne ne sait encore quelle forme prendra ce "nouveau contrat numérique". Mais une chose est sûre : le statu quo n'est plus une option. Aux géants du web de s'adapter... ou de se préparer à d'autres tempêtes.