Gradium : 70M$ pour révolutionner la voix IA

Imaginez discuter avec une intelligence artificielle qui vous répond avec la même réactivité qu’un ami au téléphone, sans le moindre décalage, et ce dans la langue de votre choix. Ce rêve, qui semblait encore lointain il y a deux ans, devient brutalement concret ce mardi 2 décembre 2025.

Une toute jeune startup parisienne baptisée Gradium sort du bois avec une annonce qui fait trembler le petit monde de la voix synthétique : une levée de fonds de 70 miljoner de dollars en seed, à peine trois mois après sa création. Oui, vous avez bien lu.

Gradium, la nouvelle pépite française qui défie les géants

Derrière ce nom encore inconnu du grand public se cache une ambition démesurée : rendre la voix artificielle aussi naturelle, aussi instantanée et aussi universelle que la parole humaine. Et pour y parvenir, Gradium s’appuie sur des fondations solides.

La société est née d’une spin-off du laboratoire français Kyutai, lui-même soutenu par Xavier Niel, le fondateur de Free et l’un des investisseurs tech les plus influents d’Europe. À sa tête, Neil Zeghidour, ancien chercheur chez Google DeepMind où il a passé des années à faire progresser les modèles audio les plus avancés de la planète.

Le tour de table réunit un casting cinq étoiles : FirstMark Capital et Eurazeo en lead, DST Global, Eric Schmidt (ex-CEO de Google), Xavier Niel lui-même et une poignée d’investisseurs discrets mais redoutablement efficaces. Autant dire que le chèque est arrivé très vite… et très gros.

Pourquoi une telle somme si tôt ?

Dans l’histoire des startups, rares sont les sociétés qui lèvent autant d’argent avant même d’avoir un produit public. Gradium entre directement dans le club très fermé des seeds à neuf chiffres (en dollars, quand même).

La réponse tient en trois mots : latence ultra-faible. Là où la plupart des assistants vocaux actuels mettent entre 500 millisecondes et 2 secondes à répondre, Gradium vise les 100-150 ms. En clair : plus rapide que le réflexe humain moyen de surprise (environ 250 ms).

« On ne construit pas juste une belle voix, on construit la voix du futur des interactions homme-machine. »

– Neil Zeghidour, fondateur de Gradium

Multilingue dès le premier jour

Autre particularité et pas des moindres : Gradium lance ses modèles avec un support natif de cinq langues dès le premier jour : anglais, français, allemand, espagnol et portugais. Une prouesse technique qui évite le traditionnel « anglais d’abord, les autres ensuite » des géants américains.

Cette approche « Europe first » n’est pas un hasard. En étant basé à Paris, Gradium bénéficie à la fois de l’écosystème français en pleine ébullition (Mistral AI, Kyutai, Photoroom, Dust…) et d’une sensibilité accrue aux questions de souveraineté numérique.

Dans un contexte où l’Europe cherche désespérément ses champions technologiques face aux États-Unis et à la Chine, chaque nouvelle licorne française devient un symbole.

Un marché déjà ultra-concurrentiel

Mais soyons honnêtes : le terrain est miné. OpenAI a déjà déployé son Advanced Voice Mode. ElevenLabs, valorisé plus de 1 milliard de dollars, domine la synthèse vocale expressive. Sans parler de Meta Llama, Anthropic, Cohere, ou des centaines de modèles open source sur Hugging Face.

Alors pourquoi les investisseurs misent-ils si gros sur Gradium ?

• Une expertise audio rare : Neil Zeghidour faisait déjà partie des références mondiales avant même de créer l’entreprise.
• Un focus absolu sur la latence, là où la plupart des concurrents privilégient d’abord la qualité expressive.
• Une stratégie B2B claire : vendre des API ultra-rapides aux développeurs d’agents IA, de jeux vidéo, de centres d’appels, de doublage automatique…
• L’effet Kyutai : le lab français a déjà prouvé qu’il pouvait sortir des modèles compétitifs en quelques mois seulement.

Vers une nouvelle génération d’agents conversationnels

La vraie révolution ne se joue pas dans la qualité de la voix en elle-même (déjà impressionnante chez plusieurs acteurs), mais dans ce qu’elle permet.

Une latence aussi faible change tout : les agents IA pourront enfin interrompre l’utilisateur, réagir aux intonations, gérer les chevauchements de parole comme dans une vraie conversation. On passe du « tour par tour » rigide actuel à quelque chose qui ressemble enfin à du dialogue naturel.

Les cas d’usage explosent :

• Jeux vidéo avec PNJ qui réagissent en temps réel à la voix du joueur
• Assistants téléphoniques capables de gérer 10 000 appels simultanés sans saturation
• Doublage automatique de vidéos en temps réel dans n’importe quelle langue
• Thérapie, coaching, enseignement personnalisé avec une présence vocale crédible

Et la France dans tout ça ?

Cette levée résonne comme un nouveau signal fort pour l’écosystème français. Après Mistral AI (6 milliards de valorisation), H (plus de 500 millions levés), Dust, Photoroom ou Poolside, Gradium vient grossir les rangs des startups deep tech tricolores qui osent voir grand.

Le rôle de Xavier Niel est central. En finançant d’abord Kyutai (300 millions d’euros engagés), puis en accompagnant directement les spin-off comme Gradium, il crée un véritable accélérateur de talents capable de rivaliser avec la Silicon Valley.

Et ça marche : les meilleurs chercheurs français ou européens n’ont plus besoin de traverser l’Atlantique pour travailler sur les sujets les plus pointus.

Ce qu’il faut retenir

Gradium n’est pas qu’une énième startup de voix IA. C’est un pari sur la prochaine interface dominante : la parole, fluide, instantanée, multilingue.

Avec 70 millions en poche et une équipe qui connaît déjà les rouages des modèles les plus avancés de la planète, la société a les moyens de ses ambitions.

Reste à voir si elle parviendra à transformer cette avance technologique en domination de marché face à des concurrents déjà bien installés. Une chose est sûre : en ce début décembre 2025, Paris vient d’envoyer un message clair au reste du monde.

La voix du futur pourrait bien parler avec un léger accent français.