Hennessy Suspend son Projet d’Embouteillage en Chine
Face aux surtaxes de 35% imposées par la Chine sur les eaux-de-vie de vin, le leader du cognac Hennessy (groupe LVMH) avait envisagé une solution créative mais controversée : exporter son précieux nectar en vrac pour l'embouteiller localement, contournant ainsi les droits de douane prohibitifs. Mais devant l'émotion suscitée en Charente, berceau historique de la marque, la maison a décidé de suspendre ce projet-test, misant sur une issue diplomatique.
Un test polémique pour préserver le marché chinois
Hennessy réalise un quart de ses ventes en Chine, devenue en quelques années le premier marché mondial pour le cognac. Mais depuis 2 ans, les relations commerciales sino-européennes se sont tendues, Pékin imposant des taxes de 35% sur certains vins et spiritueux en représailles aux sanctions européennes. Pour Hennessy, c'est une douloureuse prise en otage dans ce bras de fer géopolitique.
D'où l'idée d'exporter temporairement son cognac en vrac pour l'embouteiller en Chine, esquivant les surtaxes qui ne visent que le produit fini. Un test grandeur nature était programmé pour 2025. Objectif : préserver l'accessibilité-prix sur cet énorme marché, sans sacrifier trop de marge. Mais ce projet a provoqué un tollé en Charente, où la maison emploie un millier de salariés.
La Charente s'indigne de l'"embouteillage délocalisé"
Les syndicats charentais, en particulier la CGT, ont vivement réagi à ce qu'ils ont perçu comme une menace de délocalisation de l'activité d'embouteillage, pourtant cruciale en termes d'emplois locaux. Ils ont reçu le soutien appuyé des verriers de Verallia, fournisseurs historiques des bouteilles de cognac Hennessy. Une levée de boucliers qui a fait réfléchir la direction.
C'est une suspension et non un arrêt, aujourd'hui le sentiment qui est partagé par les salariés, c'est surtout encore un sentiment mitigé.
Matthieu Devers, délégué CGT Hennessy
Hennessy mise sur la diplomatie franco-chinoise
Plutôt que de forcer la main, la direction d'Hennessy a préféré jouer la carte de l'apaisement et de la diplomatie. La récente annonce d'une visite prochaine du Premier ministre français en Chine a été perçue comme un signal positif. La maison a donc décidé de mettre en pause son projet-test d'export en vrac, le temps de voir si les négociations au plus haut niveau pourront faire baisser les surtaxes.
Mais pour les syndicats, le combat n'est pas terminé. Car même si les taxes baissent, rien n'empêchera Hennessy d'embouteiller en Chine si c'est plus rentable. L'appellation d'origine contrôlée Cognac n'impose en effet le conditionnement sur place, contrairement aux vins. Les salariés veulent donc des garanties pérennes sur le maintien de l'embouteillage en Charente.
Un dossier commercial et social brûlant
Au-delà du cas Hennessy, ce dossier illustre les tensions entre les intérêts commerciaux des grands groupes de spiritueux et leur ancrage local historique. Il met aussi en lumière la vulnérabilité de certaines appellations face aux aléas géopolitiques et à la tentation des délocalisations. Enfin, il souligne l'importance de la diplomatie économique pour pacifier les relations commerciales.
Hennessy joue donc la montre, espérant que les pourparlers franco-chinois permettront de sauter les barrières douanières sans franchir le pas de l'embouteillage délocalisé. Mais les salariés restent vigilants car de l'aveu même de la direction, le projet n'est que suspendu, pas abandonné. L'avenir du cognac made in France reste donc en partie suspendu aux aléas des relations internationales. Affaire à suivre...