
IA, Science et Société : Démystifier l’Intelligence Artificielle
L'intelligence artificielle (IA) fait beaucoup parler d'elle ces derniers temps, entre avancées spectaculaires et craintes d'une super-intelligence qui nous dépasserait. Mais où en est-on vraiment ? C'est pour répondre à cette question que s'est tenue début février la conférence AI, Science et Society, réunissant certains des plus éminents chercheurs du domaine. L'occasion de démystifier l'IA et d'explorer les vraies pistes de recherche, au-delà du battage médiatique.
L'IA d'aujourd'hui, loin du rêve d'une super-intelligence
Michael Jordan, pionnier de l'apprentissage automatique, a donné le ton d'entrée de jeu en affirmant qu'on n'avait "jamais vu autant de hype autour d'une technologie". Pour lui, le rêve d'une IA rivalisant avec l'intelligence humaine, né dans les années 50, "freine le domaine". Ce ne sont pas des chercheurs en IA mais des spécialistes d'autres disciplines (statistiques, traitement du signal...) qui ont permis les progrès actuels, largement utilisés par les entreprises bien avant l'apparition des grands modèles de langage (LLM) comme GPT.
Ces fameux LLM donnent une impression de compréhension du langage, mais il ne faut pas s'y tromper selon Yann Le Cun, directeur scientifique de l'IA chez Meta :
Certes si l'on entraîne un LLM sur le droit, il passera l'examen du barreau. Mais c'est trompeur : on n'a toujours pas de robots domestiques ni de voitures complètement autonomes alors qu'un enfant de 10 ans peut débarrasser la table sans apprentissage.
– Yann Le Cun, Meta
On reste coincé dans ce que Le Cun appelle le "paradoxe de Moravec" : ce qui est facile pour l'humain est difficile pour l'IA, et vice-versa. Bref, malgré leurs prouesses, les IA actuelles sont encore loin d'une intelligence de type humain.
Au-delà du texte, de nouvelles pistes à explorer
Pour s'approcher un jour d'une telle intelligence artificielle, cruciale à l'heure où les assistants IA vont se multiplier, il faudra sortir des modèles entraînés uniquement sur du texte. C'est ce qu'a martelé Yann Le Cun, allant jusqu'à déconseiller aux jeunes chercheurs de travailler sur les grands modèles de langage s'ils veulent faire avancer l'IA !
Quelles pistes privilégier alors ? Plusieurs intervenants, comme Bernhard Schölkopf de l'ETH Zurich, ont plaidé pour une IA s'inspirant davantage du fonctionnement de l'esprit humain, capable de raisonnements de haut niveau et dotée de "sens commun". Un chantier encore balbutiant mais essentiel pour dépasser les limites actuelles.
Des chercheurs qui veulent garder les pieds sur terre
Au final, cette conférence aura été l'occasion pour la communauté des chercheurs en IA de rappeler quelques évidences, loin de la hype médiatique :
- Les IA actuelles, malgré leurs prouesses, restent "bêtes et disciplinées" (dixit Yann Le Cun), loin d'une intelligence générale.
- Le chemin est encore long vers des IA s'approchant de l'esprit humain, et il faudra explorer de nouvelles pistes au-delà du tout-texte.
- La recherche doit garder les pieds sur terre et se méfier du "rêve fiévreux de la Silicon Valley" d'une IA surpuissante à court terme.
Un discours de raison bienvenu pour recadrer le débat, alors que l'IA n'a sans doute jamais suscité autant d'emballement et d'inquiétudes dans le grand public. Les progrès sont réels et prometteurs, mais le chemin est encore long - et passionnant - pour élucider les mystères de l'intelligence, qu'elle soit artificielle ou humaine.