IBM rachète Confluent pour 11 milliards
Imaginez une seconde : chaque clic, chaque transaction bancaire, chaque recommandation Netflix repose sur des torrents de données qui circulent en temps réel. Et si demain, le géant historique de l’informatique décidait de prendre le contrôle total de ces torrents ? C’est exactement ce qui vient de se produire.
Ce lundi 8 décembre 2025, IBM a annoncé le rachat de Confluent pour la somme astronomique de 11 milliards de dollars en cash. Une opération qui propulse immédiatement Big Blue parmi les leaders incontestés du streaming de données, ce segment ultra-stratégique à l’ère de l’intelligence artificielle générative.
Pourquoi IBM débourse 11 milliards pour Confluent ?
La réponse est simple : l’IA a besoin de données fraîches, en continu, et en quantités industrielles. Les modèles comme Claude, Gemini ou GPT ne fonctionnent pas avec des bases de données figées datant de la veille. Ils exigent un flux incessant d’informations actualisées à la milliseconde.
Confluent, c’est justement la plateforme qui a démocratisé Apache Kafka, ce moteur open-source créé en 2011 par Jay Kreps, Neha Narkhede et Jun Rao alors qu’ils travaillaient chez LinkedIn. Kafka est aujourd’hui le standard de fait pour le traitement de données en temps réel : plus de 100 000 organisations l’utilisent, dont 75 % du Fortune 500.
« Le streaming de données est en train de devenir le système nerveux central des entreprises modernes. »
– Arvind Krishna, CEO d’IBM
Une prime de 50 % qui en dit long
IBM propose 31 dollars par action Confluent, soit une prime d’environ 50 % par rapport au cours de clôture de vendredi. Un signal fort : Big Blue ne veut laisser aucune chance à un concurrent (Microsoft ? Amazon ? Google ?) de rafler la proie.
Depuis son introduction en bourse en juin 2021 à 36 dollars, l’action Confluent avait chuté sous les 21 dollars ces derniers mois. Le marché n’avait visiblement pas encore pris la mesure de l’explosion du besoin en data streaming. IBM, lui, a vu l’opportunité.
Confluent + watsonx = la nouvelle arme fatale d’IBM
Concrètement, l’intégration de Confluent dans la suite watsonx va permettre à IBM de proposer une offre unique : un pipeline complet allant de la collecte de données en temps réel jusqu’au déploiement de modèles d’IA en production.
Exemple ? Une banque pourra désormais ingérer des millions d’événements par seconde en provenance de ses agences, détecter instantanément une tentative de fraude grâce à un modèle entraîné sur watsonx, et bloquer la transaction avant même qu’elle soit finalisée. Le tout sans latence.
- Ingestion massive via Confluent Cloud
- Enrichissement en temps réel avec watsonx.data
- Inférence IA via watsonx.ai
- Décision automatisée et action instantanée
Le retour en force de la stratégie « Red Hat »
Ce rachat rappelle furieusement l’acquisition de Red Hat en 2019 pour 34 milliards – la plus grosse opération de l’histoire d’IBM. À l’époque, beaucoup criaient au surcoût. Six ans plus tard, Red Hat génère plus de 6 milliards de dollars de revenus annuels et constitue le socle du cloud hybride d’IBM.
Confluent pourrait connaître le même destin. D’ailleurs, IBM annonce déjà que l’opération sera relutive sur l’EBITDA et le free cash flow dès la deuxième année suivant la clôture (prévue mi-2026).
Et la concurrence dans tout ça ?
Amazon a Kinesis, Google a Dataflow, Microsoft a Event Hubs… mais aucun n’a la légitimité et la communauté de Kafka. Confluent contrôle environ 60 % du marché du Kafka managé et bénéficie d’un écosystème de milliers de connecteurs.
En rachetant Confluent, IBM ne se contente pas d’acheter une technologie : il s’offre le standard du streaming de données. Un peu comme si Microsoft avait racheté Kubernetes à l’époque.
Ce que ça change pour les startups et les entreprises
Pour les startups qui construisent sur Kafka, c’est plutôt une bonne nouvelle : IBM a toujours su préserver l’open-source (regardez Red Hat). Confluent Platform devrait rester disponible, et Confluent Cloud pourrait même bénéficier des infrastructures mondiales d’IBM (notamment en Europe et dans les secteurs réglementés).
Pour les grandes entreprises, c’est la promesse d’une alternative crédible aux hyperscalers américains sur des sujets de souveraineté des données.
Les prochains mouvements d’IBM dans l’IA
Ce rachat s’inscrit dans une série impressionnante :
- Partenariat stratégique avec Anthropic (Claude intégré à watsonx)
- Rachat de HashiCorp en 2024 (automatisation infra)
- Acquisition de Seek AI en 2025 (requêtes en langage naturel sur données)
- Co-développement avec AMD de puces AI + quantique
Le message est clair : IBM ne veut plus être le « vieux monsieur » de l’IT. Il veut redevenir le partenaire incontournable des directions informatiques dans leur transformation IA.
Et avec Confluent dans son escarcelle, il vient de mettre la main sur l’artère principale par laquelle transite le sang numérique du XXIe siècle : les données en mouvement.
Le vieux lion bleu n’a peut-être jamais été aussi dangereux.