Inovia promeut deux partners et prépare 2026
Et si le prochain grand mouvement du capital-risque canadien venait une nouvelle fois de Montréal ? Alors que le marché reste frileux et que beaucoup de fonds peinent à boucler leurs levées, Inovia Capital envoie un signal fort : deux promotions internes au rang de partner et l’annonce imminente d’une double campagne de fundraising pour 2026.
Inovia Capital muscle son équipe avant la bataille de 2026
Le fonds fondé en 2007 ne fait jamais rien à moitié. Avec plus de 2,5 milliards de dollars sous gestion et des paris gagnants sur Cohere, Wealthsimple ou Hopper, Inovia reste l’une des rares institutions canadiennes à pouvoir se permettre d’anticiper plutôt que de subir le cycle.
La nouvelle est tombée ce 11 décembre : Taha Mubashir et Kory Jeffrey, jusqu’ici principals, accèdent au statut de partner. Deux profils complémentaires, deux expertises pointues, et surtout deux signaux envoyés au marché.
Taha Mubashir, l’œil affûté sur la cybersécurité et la fintech
Ancien de PSP Investments pendant près de dix ans, Taha Mubashir a vu passer les méga-deals growth sur Snowflake ou Palantir. Chez Inovia depuis 2022, il s’est spécialisé dans ce qu’il appelle lui-même le « Venn diagram » parfait : cybersécurité, infrastructure cloud et fintech.
« On assiste à un changement de paradigme où, compétitivement, l’échiquier est complètement bouleversé. »
– Taha Mubashir, nouveau partner Inovia Capital
Ses récents investissements dans Flare (cybersécurité) ou Novisto (reporting ESG) montrent qu’il sait dénicher les pépites là où d’autres ne voient encore que des niches. Et pour le Fonds VI à venir ? Il le confirme : même taille que le Fonds V, même focus logiciel, mais une accélération marquée sur tout ce qui touche à l’intelligence artificielle appliquée.
Kory Jeffrey, l’atout AI made in Google
Kory Jeffrey incarne la fameuse « pipeline Google → Inovia ». Après Patrick Pichette (ex-CFO Google, aujourd’hui partner à Londres) et Steve Woods (ex-Google Canada, désormais CTO d’Inovia), il est le troisième à faire le saut.
Son anecdote préférée ? Avoir littéralement constitué la shortlist d’étudiants que Geoffrey Hinton allait interviewer pour Google Brain… et y avoir glissé le nom de Nick Frosst, futur cofondateur de Cohere. Son premier chèque Inovia ? Precisément la Series C de cette même licorne canadienne de l’IA.
Aujourd’hui, il co-pilote la thèse IA du fonds et investit aussi bien dans l’infrastructure (Botpress) que dans les applications verticales (Spellbook en legaltech). Cerise sur le gâteau : il rejoint également l’équipe Discovery.
Discovery Fund II : doubler la mise sur les émergents
Lancé en 2023, le premier Discovery Fund devait combler un vide : les premiers fonds d’émergents managers nord-américains peinaient à lever. Deux ans plus tard, la situation s’est encore dégradée. Selon la BDC, la part des fonds émergents au Canada est à son plus bas niveau en dix ans.
La réponse d’Inovia ? Un Discovery Fund II significativement plus gros, avec la même répartition : environ 80 % en fonds et 20 % en deals directs très early stage.
Déjà 31 fonds soutenus (Garage Capital, Luge Capital, Telegraph VC…) qui totalisent 52 exits et 37 licornes dans leurs portefeuilles respectifs. Kory Jeffrey le dit sans détour :
« Nous aimons jouer le rôle d’ancrage institutionnel pour dé-risquer et aider à débloquer le capital follow-on. »
– Kory Jeffrey, partner Inovia Capital
Un marché VC canadien toujours en convalescence
Le constat est brutal : seulement 17 fonds ont bouclé une levée en 2024 au Canada, pour un total de 2 milliards de dollars – en baisse en volume et en taille moyenne. Beaucoup de managers ayant levé leur premier fonds au pic de 2021 se retrouvent coincés : valorisations trop hautes, sorties rares, DPI proche de zéro.
Pourtant, Inovia avance. Track-record solide, équipe renforcée, thèse claire sur l’IA et volonté de soutenir l’écosystème très en amont. Le message aux LPs est limpide : le fonds a les reins assez solides pour traverser la tempête et continuer à performer.
Ce que cela dit de l’avenir du venture canadien
Cette double annonce intervient dans un contexte où plusieurs signaux positifs réapparaissent timidement : valorisations plus raisonnables, retour progressif des acquéreurs stratégiques, IPO qui redémarrent aux États-Unis.
En se positionnant dès maintenant, Inovia parie que 2026 sera l’année du rebond. Et en promouvant deux trentenaires ultra-compétents, le fonds montre aussi qu’il prépare déjà la relève pour les vingt prochaines années.
Dans un écosystème souvent critiqué pour son manque d’ambition, Inovia rappelle qu’on peut être basé à Montréal, penser global, et continuer à écrire les plus belles pages du venture canadien.
La partie d’échecs ne fait que commencer.