
Inquiétudes sur la nomination d’un ex-cadre d’Amazon à la CMA
Le gouvernement britannique a récemment nommé Doug Gurr, un ancien cadre d'Amazon, à la présidence par intérim de l'autorité de la concurrence, la Competition and Markets Authority (CMA). Une décision qui suscite l'inquiétude d'une coalition d'organisations et d'experts. Ils craignent que cette nomination ne remette en cause l'indépendance et la robustesse dont doit faire preuve le régulateur face aux géants de la tech.
Une autorité antitrust sous influence ?
Dans une lettre ouverte, ce collectif, qui rassemble des entreprises tech comme Yelp, DuckDuckGo ou Mozilla mais aussi des associations et experts, exprime sa préoccupation. Pour eux, la CMA doit rester "libre de toute pression politique" si elle veut pouvoir tenir tête aux mastodontes de la Silicon Valley et "libérer des résultats économiques positifs pour l'ensemble de l'économie".
Le timing de cette nomination interroge alors que le Royaume-Uni cherche à se repositionner comme une nation pro-croissance et pro-technologie dans l'après-Brexit. Le gouvernement souhaite assouplir la réglementation et réduire les freins bureaucratiques pour attirer les investissements, quitte à bousculer son unité antitrust.
Confiance et crédibilité en jeu
Si Doug Gurr, fort de son expérience chez Amazon, peut apporter un éclairage bienvenu sur le secteur, son profil soulève des questions de conflit d'intérêts. La CMA a engagé plusieurs enquêtes sur les pratiques des Gafam ces dernières années. Sa nouvelle unité dédiée aux marchés numériques, la DMU, doit justement muscler la régulation des plateformes dominantes.
Le nouveau régime de la DMU doit bénéficier de la confiance du gouvernement et être à l'abri des pressions politiques pour débloquer des résultats économiques positifs pour l'ensemble de l'économie.
Extrait de la lettre ouverte
Pour être crédible et efficace, la CMA doit donc démontrer son indépendance opérationnelle. C'est à cette condition qu'elle pourra imposer des remèdes ambitieux aux Big Tech, au-delà de la seule défense de leurs intérêts.
Briser les monopoles pour libérer l'innovation
Dans ce bras de fer, le collectif rappelle que seule une concurrence accrue sur les marchés numériques permettra de stimuler investissements, innovations et croissance, sans brider pour autant la capacité des géants de la tech à investir au Royaume-Uni.
Ils citent des chiffres édifiants de la CMA elle-même : Apple et Google ont engrangé plus de 4 milliards de livres de surprofits en 2021 sur le marché britannique des smartphones, tandis que la publicité digitale a coûté 500 livres par foyer en 2019, bien plus qu'en situation de marché sain.
Autant de rentes de monopole qui étouffent la dynamique concurrentielle et freinent l'émergence de challengers. À l'inverse, une économie numérique plus diverse et ouverte permettrait de mieux partager les bénéfices de l'innovation et réduire les dépendances.
Défendre une croissance durable et inclusive
La coalition appelle donc le gouvernement à clarifier sa position dans sa prochaine feuille de route stratégique pour la CMA. Il doit réaffirmer son attachement à l'indépendance du régulateur et à une mise en œuvre ambitieuse du nouveau cadre pro-concurrence pour les marchés numériques.
L'enjeu: s'assurer que les incitations à innover et investir profitent à l'ensemble du tissu économique, startups et PME en tête, et pas seulement à une poignée d'acteurs en position dominante. C'est à ce prix que le Royaume-Uni pourra bâtir une croissance technologique plus durable et inclusive.
Loin d'un arbitrage binaire entre régulation et laisser-faire, c'est une troisième voie que propose ce collectif. Celle d'une politique de concurrence adaptée à l'ère numérique, qui sache stimuler la compétitivité de l'économie sans sacrifier l'intérêt général. Le défi des autorités et gouvernements est d'incarner cette ambition.