Intel repousse ses projets européens face aux défis du secteur des puces
Alors que l'Europe misait gros sur les investissements d'Intel pour porter sa part dans la production mondiale de semi-conducteurs à 20%, le géant américain vient de réviser drastiquement ses projets sur le Vieux Continent. Signe des temps difficiles que traverse actuellement l'industrie des puces électroniques.
Intel gèle ses méga-projets allemands et polonais
Premier coup dur pour Intel et l'Europe : le groupe a annoncé suspendre sine die son projet d'usine géante de semi-conducteurs à Magdebourg en Allemagne. Ce site devait représenter un investissement colossal de 30 milliards d'euros, dont 10 milliards de subventions de l'état allemand, et créer à terme 3000 emplois directs. Mais face à un marché des puces moins porteur que prévu, Intel a préféré mettre ce chantier pharaonique sur pause.
Même son de cloche en Pologne, où Intel prévoyait de construire un site de tests et d'assemblage à Wroclaw, pour 4,6 milliards d'euros et 4600 emplois à la clé. Là aussi, la firme de Santa Clara a jeté l'éponge, invoquant un contexte économique nettement "moins favorable" que les prévisions initiales.
Paris-Saclay ne verra pas non plus de centre Intel
L'Hexagone n'est pas épargné par ces annulations en série. En mars dernier, Intel avait déjà renoncé à implanter un centre de R&D et de conception de puces à Paris-Saclay. Un projet sur lequel comptait beaucoup le gouvernement français pour renforcer l'écosystème de la deep tech sur le plateau. Finalement, rien ne se fera.
Plus tôt, l'américain avait également jeté aux orties un projet de site en Italie. Partout en Europe, Intel semble donc faire machine arrière. Une bien mauvaise nouvelle pour les ambitions du Chips Act européen.
Des fonderies plombées par la conjoncture
En cause : les mauvaises performances financières de la branche fonderie d'Intel (Intel Foundry Services) depuis des mois. Le groupe accuse une baisse de la demande en semi-conducteurs et des surcapacités de production. Il doit aussi digérer le rachat à prix d'or de la société Tower Semiconductor l'an dernier.
Résultat, les rumeurs vont bon train sur un possible rachat d'Intel par son compatriote Qualcomm. Le leader des puces pour smartphones et objets connectés lorgnerait sur les capacités de fonderie de son concurrent. Mais pour Angelo Zino, analyste chez CFRA Research, c'est peu probable :
Qualcomm n'en a pas les moyens financiers. De plus, un tel deal exposerait fortement le nouvel ensemble au marché chinois. Or Pékin n'a jamais vu d'un bon œil les grandes fusions dans ce secteur stratégique.
Angelo Zino, analyste semi-conducteurs chez CFRA Research
Un repli sur le marché américain
En attendant des jours meilleurs, Intel a clairement fait le choix de se recentrer sur le marché américain. Outre-Atlantique, le groupe peut compter sur un soutien appuyé de l'administration Biden via le CHIPS Act, le pendant américain du Chips Act européen. Ce plan prévoit plus de 50 milliards de dollars d'aides publiques pour doper la production locale de semi-conducteurs.
Intel compte bien en profiter. Le groupe a maintenu ses projets de méga-fabs en Arizona et dans l'Ohio, malgré la conjoncture. Des sites qui produiront notamment des puces pour des clients tiers, dans le cadre de sa stratégie de fonderie.
Intel mise aussi gros sur son prochain site dans l'Indiana, annoncé en janvier dernier. Au programme : 3000 emplois directs et des puces gravées en 4 et 3 nm, les technologies les plus avancées du marché. Le tout avec une enveloppe de 20 milliards de dollars, dont une bonne part de subventions.
Reste à savoir si Intel pourra redresser la barre rapidement et retrouver de l'appétit pour ses projets européens. Une question cruciale pour les ambitions du Vieux Continent en matière de souveraineté technologique et industrielle.