Investissements : le paysage VC canadien en mutation
L'été 2024 s'annonce houleux sur la scène des startups et du capital-risque au Canada. Des rumeurs de désaccords entre fondateurs et investisseurs alimentent les spéculations. Tweets énigmatiques, regards en coin sur LinkedIn, et une avalanche de messages privés reçus par BetaKit : les signaux d'une certaine tension sont bien présents.
Si vous êtes un gérant émergent sur votre premier ou deuxième fonds, vous devez trouver des gagnants. Mais en réalité, la grande majorité des fonds ici au Canada sont encore des gérants émergents.
– Ryan Henry, Sand Hill North
Un marché VC en demi-teinte
Pourquoi cette crispation ? Tout remonte aux révélations de BetaKit sur la frilosité des VCs canadiens à mener des tours de table, la facilité relative de lever des fonds aux États-Unis, et les attentes jugées déraisonnables de certaines startups en termes de valorisation et de timing.
Des griefs qui ne datent pas d'hier, mais qui semblent s'être intensifiés ces derniers mois. Il faut dire que le marché, sans être catastrophique, n'est guère reluisant :
- VCs et startups peinent à boucler leurs levées de fonds.
- Les taux d'intérêt n'ont que peu baissé.
- L'incertitude plane autour de l'IA, des élections, et des taux d'imposition.
Bref, c'est la quadrature du cercle : faire plus avec moins, dans un contexte peu favorable. De quoi susciter des frustrations de part et d'autre.
Décryptage avec Ryan Henry de Sand Hill North
Pour y voir plus clair, nous avons fait appel à Ryan Henry, partner chez Sand Hill North, un family office canadien qui investit dans des fonds comme Panache Ventures et Whitecap Venture Partners, tout en réalisant l'essentiel de ses investissements directs aux États-Unis.
Unique partner d'une micro-VC, Ryan Henry sillonne en franc-tireur l'univers du dealflow, avec un regard transversal des deux côtés de la frontière. Une position qui lui permet de livrer sans fard son analyse du marché :
Son point de vue n'est pas forcément représentatif de tous les VCs, et encore moins des startups en phase d'amorçage en quête de financement. Mais il offre une cible commode pour détourner l'attention de nos lecteurs des approximations dont BetaKit se rend parfois coupable !
Réalités et perceptions du marché VC
Alors, en ces chaudes journées d'été, quelles sont les réalités et les perceptions du marché, côté VCs et startups ? Et quelle est la part de vrai et de fantasme dans les reproches qui fusent de part et d'autre ? Éléments de réponse avec notre invité :
BetaKit : Ryan, quel est votre regard sur les tensions actuelles entre VCs et startups canadiennes ?
Ryan Henry : Je dirais que la situation n'est ni noire ni blanche. D'un côté, on ne peut nier une certaine frilosité des VCs canadiens à mener des tours de table, surtout comparé aux États-Unis. Les valorisations ont baissé, les due diligences sont plus longues... Bref, les fondateurs doivent s'armer de patience et revoir leurs attentes à la baisse.
Mais de l'autre, je pense que certaines startups ont aussi une part de responsabilité. Être réaliste sur sa valorisation, accepter un processus plus long pour sécuriser un financement, c'est le prix à payer dans un marché tendu. Les gérants de fonds, surtout ceux qui démarrent, sont sous pression pour dénicher les pépites. Tout le monde doit faire des efforts !
Perspectives pour la fin 2024
BetaKit : Justement, à quoi peut-on s'attendre pour la fin de l'année ? Le marché peut-il rebondir ?
Ryan Henry : Difficile à dire... Les signaux macro-économiques restent mitigés, avec des taux d'intérêt élevés et une inflation persistante. Cela dit, je vois quand même des raisons d'espérer :
- De belles levées de fonds récentes, comme celle de Coveo en IA.
- Des méga-deals tech aux États-Unis qui pourraient doper le marché.
- Des secteurs porteurs comme la greentech ou la biotech.
Mon conseil aux startups serait de garder le cap, en restant agiles et frugales. Côté VCs, il faudra sans doute assouplir certaines exigences pour continuer à investir de façon sélective. Le marché canadien a de beaux atouts, à nous de les faire fructifier !
Article écrit en partenariat avec Ryan Henry, partner chez Sand Hill North.