
Jack Dorsey Investit Dans Les Médias Sociaux Libres
Et si les réseaux sociaux redevenaient un espace de liberté, loin des griffes des grandes entreprises et des annonceurs ? Cette question, Jack Dorsey, cofondateur de Twitter et PDG de Block, semble se la poser avec sérieux. En investissant 10 millions de dollars dans une initiative open source portée par un collectif nommé andOtherStuff, il ambitionne de redessiner l’avenir des médias sociaux. Ce projet, qui réunit des esprits brillants comme Evan Henshaw-Plath, premier employé de Twitter, ou encore Calle, créateur de la plateforme Cashu, ne cherche pas à créer une énième application, mais à poser les bases d’un écosystème numérique plus libre, décentralisé et communautaire. Plongeons dans cette aventure qui pourrait bouleverser notre rapport au web social.
Une Nouvelle Vision pour les Médias Sociaux
Jack Dorsey n’a jamais caché son désaccord avec l’évolution des plateformes sociales, y compris Twitter, qu’il a lui-même cofondé. Pour lui, ces réseaux, devenus des entreprises cotées en bourse, ont perdu leur essence en se pliant aux exigences des annonceurs et des actionnaires. Avec andOtherStuff, il soutient une approche radicalement différente : un retour aux sources du web, où les protocoles ouverts et les communautés de développeurs prédominent.
Ce collectif, créé en mai dernier, n’a pas pour objectif de bâtir une entreprise classique. Il se définit comme une communauté de hackers, un terme qui évoque ici l’esprit d’expérimentation et de créativité. Leur ambition ? Développer des outils et des technologies qui permettront à chacun de construire ses propres applications sociales, sans dépendre des géants du numérique.
Twitter n’aurait jamais dû être une entreprise. C’est une leçon que j’ai apprise trop tard.
– Jack Dorsey, dans le podcast revolution.social
Nostr : Le Cœur Battant du Projet
Au centre de cette initiative se trouve Nostr, un protocole social décentralisé et open source qui attire l’attention de Dorsey depuis la vente de Twitter à Elon Musk. Contrairement aux plateformes traditionnelles, Nostr n’appartient à personne. Il s’agit d’un protocole apolitique, conçu pour permettre aux utilisateurs de contrôler leurs données et leurs interactions sans intermédiaires. Ce choix reflète une philosophie proche de celle de Bitcoin, un autre projet cher à Dorsey.
Pourquoi Nostr est-il si prometteur ? Parce qu’il offre une alternative aux modèles centralisés. Les utilisateurs peuvent créer des applications sur ce protocole, qu’il s’agisse de réseaux sociaux, de messageries ou même de portefeuilles numériques. Parmi les projets déjà lancés, on trouve heynow, une application de notes vocales, ou encore +chorus, une communauté sociale basée sur Nostr.
Un Écosystème d’Innovations
Le collectif andOtherStuff ne se limite pas à Nostr. Il explore également d’autres protocoles, comme ActivityPub, qui alimente des plateformes décentralisées comme Mastodon. Cette diversité d’approches témoigne de leur volonté d’expérimenter sans se cantonner à une seule technologie. Leur objectif est clair : fournir des outils aux développeurs pour qu’ils puissent créer des applications sociales innovantes.
Voici quelques projets emblématiques soutenus par le collectif :
- Shakespeare : Une plateforme d’aide à la création d’applications sociales basées sur Nostr, avec une assistance par intelligence artificielle.
- White Noise : Une messagerie privée axée sur la confidentialité et la sécurité.
- Cashu wallet : Un portefeuille numérique basé sur le protocole Cashu, pour des transactions sécurisées.
Ces initiatives, bien que variées, partagent un point commun : elles placent l’utilisateur au centre, en lui offrant plus de contrôle et de transparence.
Une Critique des Modèles Actuels
Jack Dorsey ne mâche pas ses mots lorsqu’il s’agit de critiquer les réseaux sociaux actuels. Pour lui, les plateformes comme Twitter ou Bluesky, bien qu’innovantes à leurs débuts, reproduisent les mêmes erreurs en se structurant comme des entreprises classiques. Les pressions des investisseurs et des annonceurs finissent par compromettre leur mission initiale.
Les annonceurs peuvent retirer leur argent, et votre revenu s’effondre. Un protocole ouvert permet de construire des entreprises saines par-dessus.
– Jack Dorsey, dans le podcast revolution.social
Bluesky, par exemple, bien que né d’une initiative de Dorsey pour créer un protocole ouvert au sein de Twitter, fait face aux mêmes défis. Financée par des investisseurs en capital-risque, la plateforme doit répondre à des exigences qui, selon Dorsey, limitent sa capacité à rester fidèle à une vision décentralisée.
L’Impact de l’IA sur l’Innovation Sociale
L’un des aspects les plus fascinants de ce projet est l’utilisation de l’intelligence artificielle pour accélérer le développement. Evan Henshaw-Plath, figure clé du collectif, compare l’impact actuel de l’IA à celui des technologies comme Ruby on Rails ou JSON à l’époque du Web 2.0. Ces outils ont permis une explosion de créativité, et l’IA joue aujourd’hui un rôle similaire en facilitant la création d’applications complexes.
Par exemple, Shakespeare utilise l’IA pour guider les développeurs dans la création d’applications sociales basées sur Nostr. Cette approche réduit les barrières techniques, permettant à davantage de personnes de participer à cette révolution numérique.
Vers une Charte des Droits Numériques
Le collectif andOtherStuff ne se contente pas de développer des technologies. Il travaille également sur une Charte des droits des médias sociaux, un document qui vise à définir les principes fondamentaux que toute plateforme devrait respecter. Parmi les priorités figurent :
- Confidentialité : Protéger les données des utilisateurs contre toute exploitation.
- Interopérabilité : Permettre aux plateformes de communiquer entre elles.
- Transparence : Offrir une visibilité sur les algorithmes et les processus de modération.
- Portabilité : Garantir que les utilisateurs puissent déplacer leurs données facilement.
Cette charte pourrait servir de boussole pour des plateformes comme Bluesky, mais aussi pour toute initiative cherchant à construire un web plus éthique.
Un Podcast pour Explorer le Futur
Pour partager leur vision, Evan Henshaw-Plath a lancé un podcast, revolution.social, dont le premier épisode met en vedette Jack Dorsey. Enregistré lors d’un hackathon en Suisse, cet échange d’une heure explore l’histoire de Twitter, les erreurs du passé et les solutions envisagées pour l’avenir. Dorsey y explique pourquoi il croit en des protocoles comme Nostr, qui ne sont pas contrôlés par une entité centrale.
Les prochains épisodes promettent des discussions avec des figures influentes du monde de la tech, comme Kara Swisher, journaliste spécialisée, ou Cory Doctorow, qui a popularisé le terme enshittification pour décrire la dégradation progressive des plateformes numériques. Ces conversations devraient enrichir le débat sur l’avenir des médias sociaux.
Un Mouvement Plus Large
L’initiative de Dorsey et d’andOtherStuff s’inscrit dans un mouvement plus vaste de retour aux racines du web. À une époque où les géants technologiques dominent, les projets open source et décentralisés gagnent en popularité. Ils offrent une alternative crédible à un modèle où quelques entreprises contrôlent l’information et les interactions en ligne.
En investissant dans ce collectif, Dorsey ne se contente pas de financer des applications. Il soutient une vision où les utilisateurs reprennent le pouvoir, où les développeurs peuvent innover librement, et où les plateformes sont conçues pour servir leurs communautés plutôt que leurs actionnaires.
Les Défis à Venir
Malgré son ambition, le projet andOtherStuff fait face à des défis de taille. La décentralisation, bien que séduisante, pose des questions de gouvernance et de modération. Comment garantir que ces plateformes restent des espaces sûrs sans tomber dans les écueils de la censure ou du laxisme ? De plus, la concurrence avec les géants établis, qui disposent de ressources considérables, sera rude.
Pourtant, l’équipe reste optimiste. Comme le souligne Henshaw-Plath, d’autres surprises sont en préparation, des projets encore confidentiels qui pourraient secouer le paysage numérique. Avec le soutien de Dorsey et l’énergie d’une communauté de hackers, l’avenir des médias sociaux pourrait bien prendre une tournure inattendue.
En conclusion, l’investissement de Jack Dorsey dans andOtherStuff n’est pas qu’une simple opération financière. C’est un pari audacieux sur un web plus libre, plus transparent et plus collaboratif. Si ce projet réussit, il pourrait redéfinir notre manière de communiquer en ligne, en remettant le pouvoir entre les mains des utilisateurs. Une chose est sûre : la révolution des médias sociaux est en marche, et elle promet d’être passionnante.