JD Saint-Martin rejoint Boreal Ventures
Imaginez un dirigeant qui a multiplié par seize le chiffre d’affaires d’une entreprise tech cotée à Toronto et New York… et qui décide, à l’apogée de sa carrière opérationnelle, de tout plaquer pour retourner à ses premières amours : le capital-risque. C’est exactement ce que vient d’annoncer JD Saint-Martin, président sortant de Lightspeed Commerce. Dès avril 2026, il prendra les rênes, aux côtés de David Charbonneau, du fonds montréalais Boreal Ventures. Un retour aux sources qui pourrait bien changer la donne pour toute une génération de startups québécoises.
Un parcours qui parle aux fondateurs
JD Saint-Martin n’arrive pas les mains vides. Son CV ressemble à un manuel de scaling que tout entrepreneur rêve de lire. Entré chez Lightspeed après la vente de sa propre startup Chronogolf, il a gravi les échelons jusqu’à devenir président. Sous sa gouvernance, l’entreprise est passée de 75 millions à près de 1,2 milliard de dollars de revenus annuels. Un x16 en quelques années seulement.
Mais ce qui rend ce parcours passionnant, c’est surtout sa capacité à transformer un beau produit en machine à cash. Beaucoup de fondateurs canadiens trouvent le product-market fit, lèvent une Série A… puis patinent. Les ventes stagnent, les équipes commerciales peinent à décoller. JD Saint-Martin connaît cette douleur par cœur – et surtout, il sait comment la résoudre.
« Les fondateurs trouvent le product-market fit, lèvent leur premier tour, embauchent un VP Sales… et là, les ventes plafonnent. J’ai vu ce schéma se répéter encore et encore. »
– David Charbonneau, fondateur de Boreal Ventures
Boreal Ventures : le fonds qui mise sur les oubliés du logiciel
Lancé en 2021 avec Centech, Boreal Ventures s’est rapidement taillé une identité forte. Alors que la plupart des fonds couraient après les SaaS B2B génériques ou les pépites IA grand public, l’équipe a choisi une autre voie : les logiciels pour les industries blue-collar – ces secteurs traditionnels que la tech a longtemps snobés.
Gestion de gyms, vérification d’antécédents en entreprise, logiciels pour chantiers de construction, artisans, cliniques médicales… Des marchés énormes, souvent fragmentés, avec des clients prêts à payer cher pour gagner du temps et de l’efficacité. Le fonds a presque terminé de déployer ses 26 millions de dollars du premier millésime et prépare déjà le suivant – beaucoup plus ambitieux.
Avec l’arrivée de Saint-Martin, Boreal passe à la vitesse supérieure. Le trio de tête – David Charbonneau, Samuel Larivière (CFO) et désormais JD – était d’ailleurs réuni en octobre dernier au tout premier RevStar Summit à Montréal, l’événement dédié à la stratégie go-to-market. Le message était clair : on ne finance plus seulement de belles technologies, on finance des machines à croissance.
Pourquoi ce mouvement dit beaucoup sur l’écosystème canadien
Le choix de JD Saint-Martin n’est pas anodin. À un moment où certains dirigeants canadiens n’hésitent pas à traverser la frontière pour rejoindre des fonds de la Silicon Valley, lui décide de rester à Montréal. Mieux : il veut convaincre les entrepreneurs de faire pareil.
Ses arguments sont solides :
- Une culture historique de l’efficacité du capital (on apprend à faire beaucoup avec peu)
- Des clients tests accessibles et réceptifs partout au pays
- Une diversité culturelle rare qui devient un avantage compétitif pour recruter les meilleurs talents
- Des coûts d’exploitation encore raisonnables comparés à San Francisco ou New York
Dans un monde où tout le monde parle de « build in Canada, scale in the US », Saint-Martin propose l’équation inverse : build in Canada, scale… from Canada. Et avec son track record, il a de quoi se faire entendre.
Lightspeed : une transition en douceur
Côté Lightspeed, pas de crise. L’entreprise vient de dépasser le milliard de dollars de revenus annuels et a même relevé ses prévisions pour l’année. Gabriel Benavides arrive comme nouveau Chief Revenue Officer et JD Saint-Martin restera jusqu’à fin mars 2026 pour assurer une passation exemplaire. Aucune recherche de remplaçant au poste de président n’est prévue pour l’instant.
Preuve que l’entreprise est désormais assez mature pour fonctionner sans figure totémique au sommet. Un signe de bonne santé plus que de faiblesse.
Et maintenant ?
Le second fonds de Boreal Ventures est en levée. Le ticket moyen va grimper, la thèse d’investissement s’affiner autour du triptyque blue-collar software – FinTech – santé numérique, avec un accent obsessionnel sur la capacité à scaler les revenus dès la Série A.
Pour les fondateurs québécois et canadiens qui construisent des logiciels pour le « vrai monde » – celui des gyms, des chantiers, des cliniques, des PME traditionnelles – l’arrivée de JD Saint-Martin chez Boreal ressemble à l’équivalent d’un coach NBA qui viendrait entraîner une équipe universitaire prometteuse.
Et quelque chose nous dit que les prochains deals du fonds risquent de faire parler d’eux bien au-delà du Québec.
À suivre, donc. Très attentivement.