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Johnson & Johnson : une offre de 10 milliards $ pour le talc
Le géant pharmaceutique américain Johnson & Johnson est une nouvelle fois sous les feux des projecteurs. Mis en cause pour les risques cancérigènes de son talc, le groupe tente d'éteindre l'incendie judiciaire en mettant 10 milliards de dollars sur la table. Retour sur ce feuilleton qui empoisonne la vie du leader des produits d'hygiène.
62 000 plaignants, des milliards en jeu
Aujourd'hui, Johnson & Johnson fait face à une déferlante de plus de 62 000 plaignants à travers les États-Unis. Leur point commun ? Tous affirment que les produits à base de talc de la marque, dont la célèbre poudre pour bébé, contiennent de l'amiante et sont à l'origine de cancers, en particulier de l'ovaire. Des accusations que J&J réfute catégoriquement.
Pour tenter de sortir de l'ornière, la firme met aujourd'hui sur la table une enveloppe de 10 milliards de dollars, soit environ 9,5 milliards d'euros. Objectif : indemniser les victimes et mettre fin à cette saga judiciaire qui entache sa réputation et plombe ses comptes depuis des années. La proposition sera examinée par un juge fédéral au cours d'une audience qui s'ouvre ce mardi à Houston, au Texas.
Un accord équitable ou une manœuvre ?
Si l'offre venait à être validée, elle représenterait un tournant majeur dans cette affaire hors normes. Johnson & Johnson pourrait enfin tourner la page en échappant à de futurs procès. Une issue que le groupe présente comme une solution "équitable" et "plus rapide" pour les personnes lésées, leur évitant les aléas d'un système judiciaire comparé à une "loterie".
Mais les opposants au projet y voient avant tout une manœuvre pour limiter la facture. Ils reprochent à J&J de forcer la main aux victimes en leur imposant un vote qu'ils estiment biaisé. Et dénoncent des indemnités jugées insuffisantes au regard des drames vécus.
La faillite comme bouclier
Pour parvenir à ses fins, le géant mise sur un levier juridique redoutable : la loi sur les faillites. En plaçant une filiale sous la protection du chapitre 11, J&J pourrait lier tous les plaignants à cet accord, même les récalcitrants. Et se prémunir de toute future action en justice concernant son talc.
La loi américaine sur les faillites permettrait à J&J de lier tous les plaignants à l'accord, même ceux qui s'y opposent, et empêcherait toute poursuite future concernant le talc contre l'entreprise.
Un scénario déjà tenté par le passé, mais retoqué par la justice qui avait jugé la manœuvre abusive. Johnson & Johnson espère cette fois faire la différence grâce au "soutien massif" des plaignants, mis en avant par ses équipes juridiques. Reste à savoir si cela suffira à convaincre le tribunal.
L'ombre du scandale de l'amiante
Au-delà des enjeux financiers colossaux, cette bataille judiciaire ravive le douloureux dossier de l'amiante. Cette fibre naturelle, longtemps utilisée pour ses propriétés isolantes, s'est révélée être un redoutable tueur silencieux, à l'origine de violents cancers des poumons et de la plèvre.
Si le lien entre talc et cancer n'est pas formellement établi, les parallèles avec l'amiante inquiètent. D'autant que des traces de cette substance ont été retrouvées dans certains produits incriminés. De quoi jeter une ombre supplémentaire sur un dossier déjà brûlant.
Un procès scruté par des milliers de familles
Malgré les dénégations de J&J, les témoignages poignants de femmes atteintes de cancers après avoir utilisé son talc pendant des années ont marqué les esprits. Du combat d'Deane Berg, première à attaquer le groupe en 2013, à la condamnation historique de 2018 à verser 4,7 milliards de dollars à 22 femmes, les victimes ont porté ce dossier sur le devant de la scène.
Pour des milliers de familles, cette énième audience est donc cruciale. Derrière les froides considérations financières et juridiques, ce sont des drames intimes et des vies brisées qui se jouent. L'issue du procès sera scrutée bien au-delà des prétoires.
J&J assure que cette troisième proposition pourrait aboutir grâce à un large vote des plaignants en sa faveur.
Erik Haas, vice-président chargé des litiges chez J&J
Quoi qu'il en soit, cette saga laissera des traces. Au-delà des dommages réputationnels et financiers pour Johnson & Johnson, elle pose la question de la responsabilité des industriels dans la commercialisation de produits potentiellement nocifs. Et du long chemin qu'il reste à parcourir pour que la santé prime sur les intérêts économiques.