Kabir Narang quitte B Capital pour un nouveau fonds
Imaginez un peu : vous avez bâti pendant huit ans l’un des fonds les plus puissants d’Asie aux côtés d’un cofondateur de Facebook, vous avez accompagné Meesho jusqu’à son statut de licorne, soutenu Khatabook, Bizongo ou CredAvenue… et un beau matin, vous décidez de tout plaquer pour repartir de zéro. C’est exactement ce qu’a choisi de faire Kabir Narang.
Kabir Narang quitte B Capital : la fin d’une époque
Le 9 décembre 2025, TechCrunch lâchait la bombe : Kabir Narang, founding general partner de B Capital et figure centrale du venture en Inde et en Asie du Sud-Est, quitte le navire. L’information, confirmée par le fonds lui-même, a immédiatement fait le tour des groupes WhatsApp des founders indiens.
Chez B Capital depuis mars 2017, Narang co-dirigeait la stratégie Asie depuis Singapour et présidait même le comité d’investissement mondial. Son track-record parle de lui-même : il a été l’un des tout premiers investisseurs dans des pépites devenues incontournables du paysage indien.
« Nous vivons l’une des révolutions technologiques les plus profondes de l’histoire, et l’un des tests les plus durs de discipline pour un investisseur. L’IA fait littéralement scaler la pensée, elle réduit l’écart entre l’idée et sa réalisation. Les fondateurs qui sauront allier cette vitesse à un pricing power et à des unit economics solides définiront la prochaine génération de valeur durable. »
– Kabir Narang, dans la note envoyée aux fondateurs
Un nouveau véhicule prévu pour 2026
Le départ n’est pas un coup de tête. Narang prépare activement une nouvelle plateforme d’investissement dont le lancement est prévu pour 2026. L’angle ? « Compounding à l’intersection de la technologie, de l’intelligence artificielle et des flux mondiaux de capitaux ».
Traduction : il veut capturer la convergence entre l’explosion de l’IA (notamment générative), les nouveaux modèles économiques qu’elle rend possibles et les gigantesques mouvements de capitaux qui traversent la planète, de la Silicon Valley à Bangalore en passant par Dubaï et Singapour.
En attendant le lancement officiel, Narang a prévenu les entrepreneurs qu’il continuait à prendre personnellement des tickets de 1 à 2 % dans les projets qui l’emballent vraiment. Un signal clair : il reste ultra-actif sur le marché early-stage.
B Capital se réorganise sans panique
Du côté de B Capital, on joue la carte de la sérénité. Le fonds, qui gère plus de 9 milliards de dollars et compte neuf bureaux dans le monde, a immédiatement annoncé la nouvelle gouvernance pour l’Asie : Eduardo Saverin, Karan Mohla et Howard Morgan prennent le relais, secondés par les équipes locales en Inde et Asie du Sud-Est.
Le message est clair : la stratégie asiatique reste intacte, et l’on remercie Narang pour ses huit années de contribution. Classique communication de crise en VC : pas de drame, on passe à la suite.
Le parcours d’un serial builder de licornes
Avant B Capital, Kabir Narang a passé près de neuf ans chez Eight Roads Ventures India (le bras venture de Fidelity). Il y était managing director et avait déjà un flair redoutable pour repérer les pépites.
Quelques noms qui figurent à son tableau de chasse :
- Meesho – le social commerce qui a levé plus d’un milliard et vise l’IPO
- Khatabook – la fintech qui digitalise les petits commerçants indiens
- CredAvenue (devenue Yubi) – plateforme de dette qui a explosé pendant la pandémie
- Bounce – leader de la location de scooters en Inde
- Bizongo – supply-chain B2B qui a levé auprès de Tiger et IFC
Autant dire que quand Narang parle, les founders écoutent religieusement.
Pourquoi partir maintenant ?
Plusieurs éléments expliquent ce timing.
D’abord, le marché indien du venture capital est en pleine mutation. Après l’euphorie 2021-2022, les valorisations ont chuté, les exits se font rares et les LPs (investisseurs des fonds) deviennent plus regardants. Beaucoup de partners de gros fonds choisissent ce moment pour lancer leur propre véhicule, plus agile et plus focalisé.
Ensuite, l’explosion de l’IA change complètement la donne. Narang l’écrit lui-même : l’IA « scale la pensée ». Les cycles d’innovation s’accélèrent follement, les barrières à l’entrée s’effondrent dans certains secteurs et montent en flèche dans d’autres (infra, données, énergie). Un investisseur généraliste, même dans un fonds de 9 milliards, peut se sentir à l’étroit.
Enfin, la concurrence se durcit. Sequoia India (désormais Peak XV), Accel, Lightspeed, Elevation ou les nouveaux fonds comme Blume et Stellaris montent en puissance. Créer son propre fonds permet de se différencier par une thèse très marquée : ici, l’intersection IA + flux de capitaux mondiaux.
À quoi pourrait ressembler le futur fonds de Narang ?
Quelques hypothèses éclairées :
- Un fonds de taille moyenne (300 à 600 M$) pour rester concentré et réactif
- Une thèse très sectorielle : IA appliquée à la finance, à la logistique, à l’industrie ou au climat
- Une présence forte en Inde, à Singapour et peut-être aux Émirats ou en Arabie saoudite (nouveaux hubs de capitaux)
- Des co-investisseurs institutionnels du Golfe ou d’Asie du Nord attirés par l’IA
- Un modèle hybride : tickets early-stage + positions plus importantes en growth lorsqu’une boîte montre une traction IA forte
Ce que cela dit du marché VC indien en 2026
Le départ de Narang n’est pas isolé. On a vu récemment Ashish Dave quitter Mirage Ventures, Amit Anand et Prayank Swaroop lancer Prime Venture Partners nouvelle version, ou encore Anjali Bansal restructurer son fonds.
Le message est clair : les meilleurs investisseurs indiens ne veulent plus être de simples « partners » dans des machines globales. Ils veulent construire leur propre marque, leur propre thèse, et capter directement la valeur qu’ils créent.
Et quand on voit la vitesse à laquelle l’Inde adopte l’IA – avec des startups comme Krutrim (la réponse indienne à OpenAI), Sarvam AI ou CoRover – on comprend que le prochain cycle d’or pourrait bien être porté par cette thématique.
En résumé, le départ de Kabir Narang n’est pas la fin d’une histoire. C’est probablement le début d’un nouveau chapitre encore plus excitant pour l’écosystème startup indien et asiatique.
À suivre de très près en 2026.