Kalray, le spécialiste français des puces pour l’IA, cède une partie de ses activités

Dans le paysage bouillonnant des startups françaises dans le domaine de l'intelligence artificielle, Kalray fait figure de pépite. Cette société grenobloise, spin-off du CEA, conçoit des processeurs nouvelle génération dédiés au calcul haute performance et au traitement massif de données. Une expertise pointue qui lui a permis de s'imposer comme le seul acteur européen à développer de A à Z des DPU (data processing unit), ces puces optimisées pour les flux de données d'IA.

Mais après une tentative de rapprochement avortée avec un spécialiste israélien cet été et un cours de bourse en chute libre, Kalray traverse une passe difficile. La société vient d'annoncer avoir reçu une offre pour la vente de sa branche "Data Acceleration Platform", qui comprend notamment sa gamme phare de produits pour entreprises "Ngenea".

Une cession partielle pour alléger la dette

Avec une dette de 13 millions d'euros et un chiffre d'affaires en baisse de près de 30% au premier semestre, à 10,9 millions d'euros, Kalray doit trouver des solutions. La vente de cette activité permettrait de renflouer en partie les caisses, même si la direction indique d'ores et déjà que cela ne suffira pas pour atteindre la rentabilité visée d'ici 2025.

Il faut dire que la startup, introduite en bourse en 2018, avait levé de grands espoirs avec son positionnement unique en Europe sur le créneau porteur des processeurs dédiés à l'IA. Elle a pu compter sur le soutien de grands noms comme Renault-Nissan-Mitsubishi, Safran ou encore NXP Semiconductors. Mais dans un marché ultra-concurrentiel dominé par les géants américains et asiatiques, la tâche s'avère ardue.

Un écosystème français des semi-conducteurs à renforcer

Les difficultés de Kalray mettent en lumière les faiblesses de la filière française et européenne des semi-conducteurs face aux mastodontes mondiaux. Malgré des compétences technologiques de pointe, incarnées par des startups comme Kalray mais aussi des instituts de recherche comme le CEA-Leti, l'écosystème peine encore à rivaliser en termes d'industrialisation et de commercialisation à grande échelle.

Il est crucial de fédérer et soutenir davantage les acteurs français et européens des semi-conducteurs, en particulier dans les domaines stratégiques comme l'intelligence artificielle.

Jean-Luc Moullet, Directeur Général Délégué à l'Innovation de BPI France.

Des initiatives sont en cours, comme le récent plan d'investissement européen dans les puces électroniques, doté de 43 milliards d'euros. Mais il faudra du temps pour rattraper le retard accumulé et bâtir une véritable industrie souveraine dans ce domaine clé pour l'avenir.

Kalray veut rebondir en recentrant son activité

En attendant, Kalray entend poursuivre son aventure technologique malgré les vents contraires. La société assure que la cession envisagée ne remet pas en cause ses ambitions. Elle compte se recentrer sur ses autres activités à plus forte valeur ajoutée, notamment dans le calcul haute performance et les solutions pour data centers.

Elle mise aussi sur son écosystème de partenaires de qualité pour rebondir. Récemment, Kalray s'est ainsi allié au britannique Arm, leader mondial des architectures de processeurs, pour proposer une offre combinée dans le domaine du edge computing.

Notre partenariat avec Arm va nous permettre d'accélérer sur des marchés en forte croissance comme la 5G, la vision par ordinateur ou encore les véhicules autonomes.

Eric Baissus, Président du Directoire de Kalray.

La startup peut aussi compter sur son savoir-faire reconnu, avec une trentaine de brevets à son actif, ainsi que sur le soutien renouvelé de certains investisseurs. Bpifrance, via son fonds French Tech Souveraineté, a par exemple renforcé sa position au capital en décembre dernier.

Les prochains mois seront décisifs pour l'avenir de Kalray. Si la vente de son activité "Data Acceleration Platform" se concrétise, la société grenobloise devra prouver qu'elle peut redresser la barre en se concentrant sur ses points forts. Et continuer à innover dans un domaine où la course technologique fait rage.

Son parcours témoigne en tout cas du potentiel d'innovation des startups de la French Tech, y compris dans des secteurs aussi pointus et concurrentiels que les semi-conducteurs pour l'intelligence artificielle. Un potentiel qu'il faut absolument cultiver et soutenir, via un écosystème renforcé alliant recherche de pointe, financement et débouchés industriels. L'enjeu est de taille pour bâtir une véritable filière souveraine et éviter que nos pépites ne se fassent dévorer par les géants mondiaux du numérique.