
Katherine Homuth Quitte SRTX : Crise ou Renouveau ?
Saviez-vous que 85 % des ventes d’une startup textile canadienne dépendent du marché américain ? C’est le cas de SRTX, une entreprise montréalaise qui a fait sensation avec ses collants indéchirables Sheertex. Pourtant, en mars 2025, sa fondatrice, Katherine Homuth, a choisi de quitter son poste de PDG en pleine tourmente, entre une levée de fonds cruciale et la menace de lourds tarifs douaniers imposés par les États-Unis. Une décision qui soulève une question : est-ce la fin d’une ambition ou le début d’un renouveau ?
Une Startup Textile Face à des Défis Colossaux
Depuis sa création en 2017 sous le nom de Sheerly Genius, SRTX s’est imposée comme une pionnière dans l’innovation textile. Basée à Montréal, l’entreprise a développé un polymère ultra-résistant, plus solide que l’acier, pour fabriquer des collants qui défient l’usure. Mais derrière cette prouesse technologique se cache une réalité complexe : une dépendance massive au marché américain et une production 100 % canadienne, aujourd’hui menacée par des changements économiques majeurs.
L’Ombre des Tarifs Américains
En février 2025, SRTX a dû mettre à pied temporairement 40 % de ses 350 employés. La raison ? Une proposition de tarifs douaniers américains de **25 %** sur les importations canadiennes, combinée à la suppression de l’exemption *de minimis*. Pour une entreprise qui réalise **85 %** de son chiffre d’affaires aux États-Unis, ces mesures équivalent à un tsunami financier. Les envois aux détaillants américains pourraient subir une taxe supplémentaire de 16 %, tandis que les commandes directes des consommateurs feraient face à un surcoût total de **41 %**.
Face à cette menace, Katherine Homuth a tenté de s’adapter. Elle a réorienté une partie des approvisionnements vers les États-Unis pour contourner les taxes sur les matières premières internationales. Parallèlement, elle a poussé les ventes au Canada, cherchant à réduire la dépendance au marché voisin. Mais ces ajustements n’ont pas suffi à rassurer les investisseurs.
Une Levée de Fonds sous Tension
En parallèle des défis tarifaires, SRTX devait boucler une levée de fonds vitale. En janvier, Homuth avait publiquement annoncé un besoin de **23 millions USD** d’ici fin mars 2025. Cet argent devait financer des infrastructures, réduire les coûts de production de 12 $ à 2,50 $ par unité, et ouvrir la voie à la rentabilité. Avec des collants vendus à 10 $ l’unité, la marge était trop mince pour séduire sans cette transformation.
« Les gens perdent confiance quand ils voient que la production ne tourne pas à plein régime. Ils veulent du concret, pas des promesses. »
– Katherine Homuth
Cette transparence sur les réseaux sociaux et dans des podcasts a révélé une vérité brutale : financer une startup industrielle est bien plus ardu que pour une entreprise SaaS. Les investisseurs veulent voir des usines bourdonnantes et des résultats tangibles, pas des paris sur l’avenir.
Un Pivot Stratégique à Double Tranchant
En 2024, SRTX a opéré un virage stratégique majeur. Adieu le modèle direct-to-consumer, bonjour la vente en gros à des géants comme H&M, Costco ou Macy’s. L’usine montréalaise a été verticalement intégrée pour maîtriser toute la chaîne de production. En décembre, un prêt convertible de **25 millions USD** d’Investissement Québec, accompagné d’un tour de table de 70 millions CAD, a donné un souffle temporaire. Mais ce pivot a aussi accru les besoins en capitaux.
Outre les collants Sheertex, SRTX mise sur deux produits B2B : **Cortex**, une solution logicielle pour la fabrication, et **Watertex**, un tissu hydrofuge en attente de brevet. Ces innovations pourraient diversifier les revenus, mais elles demandent du temps et des fonds – deux ressources qui manquent cruellement.
Katherine Homuth : Une Fondatrice Sous Pression
Katherine Homuth n’a jamais caché les défis de son parcours. Lors d’un événement à Ottawa en mars 2025, elle a partagé une réflexion saisissante sur son rôle. Elle a insisté sur la nécessité de séparer son identité personnelle de celle de son entreprise, un exercice mental essentiel face aux turbulences.
« Vous n’êtes pas votre entreprise. Vous portez sa vision, mais vous devez aussi penser à vous-même en tant que personne. »
– Katherine Homuth
Son départ, annoncé le 26 mars, semble lié à une ultime tentative de sécuriser des fonds. Selon certaines sources, le conseil d’administration, incluant Murray McCaig d’ArcTern Ventures, chercherait un nouveau visage pour rassurer les investisseurs. Mais ce choix laisse un vide : qui peut porter une vision aussi ambitieuse ?
Un Modèle Économique en Question
SRTX a levé environ **250 millions USD** depuis ses débuts, dont une valorisation de 350 millions USD en 2022. Pourtant, elle vend à perte pour prouver sa viabilité, une stratégie risquée. Homuth elle-même qualifiait ce modèle de « peu glamour ». La startup doit désormais démontrer qu’elle peut scaler sans s’effondrer sous le poids des coûts.
- Réduction des coûts de production comme priorité absolue.
- Diversification des marchés pour limiter les risques tarifaires.
- Confiance des investisseurs à reconquérir rapidement.
L’Avenir de SRTX : Rebond ou Chute ?
Le départ de Homuth intervient à un tournant critique. Avec une usine à Montréal, des produits innovants et un marché potentiel énorme, SRTX a les cartes en main pour réussir. Mais les obstacles sont immenses : des tarifs qui fragilisent ses marges, une levée de fonds inachevée, et une transition de leadership incertaine.
Pourtant, l’histoire des startups regorge d’exemples de résilience. Si SRTX parvient à stabiliser ses finances et à séduire de nouveaux partenaires, elle pourrait transformer cette crise en opportunité. Le prochain PDG devra incarner cette ambition tout en apaisant les doutes.
En attendant, le cas SRTX illustre une vérité universelle dans l’univers des startups : innover, c’est aussi savoir naviguer dans l’incertitude. Katherine Homuth, elle, semble prête à écrire un nouveau chapitre – ailleurs.