La baisse inquiétante du nombre d’étudiants ingénieurs en France
Les écoles d'ingénieurs françaises sont confrontées à un défi de taille : le nombre d'étudiants choisissant ces filières d'excellence est en baisse depuis plusieurs années. Un phénomène inquiétant qui s'explique en grande partie par les réformes successives du Baccalauréat et du Diplôme Universitaire de Technologie (DUT). Quelles en sont les conséquences pour l'avenir de l'industrie française ?
Une chute brutale des effectifs en cycle ingénieur
En 2023-2024, les écoles d'ingénieurs ont enregistré une baisse de 11,5% du nombre de nouveaux entrants en cycle ingénieur par rapport à l'année précédente. Un recul spectaculaire qui s'explique notamment par :
- La réforme du DUT, devenu un BUT en 3 ans au lieu de 2, réduisant mécaniquement le vivier d'étudiants issus de cette filière.
- La réforme du Bac qui a vu chuter le nombre de lycéens choisissant les matières scientifiques, en particulier chez les filles (-27%).
Résultat, les entreprises peinent à recruter suffisamment de jeunes diplômés pour répondre à leurs besoins croissants, notamment dans les domaines de la transition énergétique et du numérique.
Le risque d'une baisse du niveau d'excellence
Face à la baisse des candidatures, certaines écoles pourraient être tentées d'abaisser leur niveau d'exigence à l'entrée pour remplir leurs promotions. Un écueil dont les directeurs d'établissements sont bien conscients :
Les écoles continueront de remplir leurs promotions, mais le niveau scientifique à l'entrée n'est plus le même qu'il y a quelques années.
– Emmanuel Duflos, président de la CDEFI
Pour maintenir leur réputation d'excellence, les écoles doivent repenser leurs programmes et mettre en place des modules de remise à niveau. Un défi pédagogique de taille.
Un coup d'arrêt pour la féminisation des filières scientifiques
La réforme du Bac risque également de freiner la féminisation des études d'ingénieurs, un enjeu crucial pour l'égalité professionnelle. Seules 44 685 lycéennes ont choisi de faire 6h ou plus de mathématiques en 2023, contre 94 522 en 2019 (-53%).
Si les écoles ont pour le moment limité la casse, avec 29,7% de femmes en cycle ingénieur en 2023, la marge de progression est désormais très réduite. D'autant que les stéréotypes de genre restent tenaces : 63% des étudiantes ingénieures estiment que les métiers de l'industrie leur sont plus difficilement accessibles.
Des inégalités salariales persistantes
Malgré les progrès en matière de mixité, les femmes ingénieures restent pénalisées sur le plan salarial. D'après une enquête d'Ingénieurs et Scientifiques de France :
- Elles ont moins souvent un statut de cadre (88% contre 93% pour les hommes).
- Elles occupent moins de postes à responsabilités, en France comme à l'international.
- Leur salaire médian plafonne à 88 100€ dans les organes de direction, contre 130 600€ pour les hommes.
Des disparités difficilement justifiables qui doivent alerter les entreprises. L'index de l'égalité professionnelle a-t-il oublié les ingénieurs ?
Revaloriser l'image des filières scientifiques
Pour enrayer la baisse des vocations, les acteurs de l'enseignement supérieur et les entreprises doivent unir leurs forces. Plusieurs leviers sont à actionner :
- Promouvoir l'attractivité des carrières scientifiques et technologiques auprès des jeunes, via des opérations de sensibilisation dans les collèges et lycées.
- Lutter contre les stéréotypes en valorisant les rôles modèles féminins et la diversité des métiers.
- Renforcer les passerelles entre le monde académique et l'entreprise, à travers des partenariats, des stages, de l'alternance...
- Miser sur l'innovation pédagogique et les soft skills pour développer l'adaptabilité des futurs ingénieurs.
Car une chose est sûre : dans un monde en pleine transition, l'industrie française aura plus que jamais besoin de ces talents pour rester dans la course. L'avenir de notre compétitivité est en jeu !