La Chine Accélère dans les Semi-conducteurs avec un Investissement Massif
Alors que les tensions géopolitiques s'intensifient entre la Chine et les États-Unis, Pékin accélère ses efforts pour atteindre l'autosuffisance dans le domaine stratégique des semi-conducteurs. Le gouvernement chinois vient d'annoncer un investissement colossal de 44,12 milliards d'euros, via son fonds souverain « Big Fund », pour soutenir l'industrie nationale des puces électroniques face aux restrictions américaines de plus en plus sévères.
Cette nouvelle phase d'investissement, la troisième du genre, témoigne de la détermination de la Chine à réduire sa dépendance vis-à-vis des technologies étrangères dans un secteur clé pour sa souveraineté numérique. Les semi-conducteurs sont en effet au cœur de toutes les innovations technologiques actuelles, de l'intelligence artificielle à la 5G en passant par les objets connectés.
Un écosystème national pour réduire les vulnérabilités
Depuis plusieurs années, la Chine s'efforce de développer un écosystème complet et performant dans le domaine des semi-conducteurs. Cela passe par des investissements massifs dans la R&D, la formation de talents, mais aussi le soutien aux entreprises locales à tous les niveaux de la chaîne de valeur :
- Les fonderies comme SMIC, le champion national qui grave les puces les plus avancées
- Les équipementiers qui fournissent les machines de production ultra-sophistiquées
- Les concepteurs de puces spécialisés notamment dans l'IA et les processeurs mobiles
L'objectif est clair : réduire les vulnérabilités de la Chine face à d'éventuelles sanctions ou restrictions à l'exportation imposées par les États-Unis et ses alliés. Car le secteur des semi-conducteurs est devenu un terrain d'affrontement géoéconomique entre les deux superpuissances.
Pékin veut rester dans la course à l'IA
Au-delà des enjeux de souveraineté, la Chine veut aussi s'assurer de rester dans la course à l'innovation, en particulier dans le domaine porteur de l'intelligence artificielle. Pékin craint qu'un retard dans les semi-conducteurs ne pénalise ses ambitions en matière d'IA, alors que le pays est déjà le deuxième plus gros contributeur mondial derrière les États-Unis.
La Chine a approuvé plus de 40 modèles d'IA en 2023, dont 14 grands modèles de langage. Les investissements privés dans l'IA ont atteint 7,76 milliards de dollars.
– Rapport AI Index de l'Université de Stanford
Grâce à une population très connectée, un accès aisé aux données et un fort soutien étatique, la Chine dispose de sérieux atouts pour devenir un leader de l'IA. Mais cela nécessite de maîtriser les technologies de gravure des puces les plus avancées, d'où l'importance stratégique des investissements annoncés.
Un effort national public-privé
Pour atteindre ses objectifs ambitieux, la Chine mise sur un effort conjoint des acteurs publics et privés. Le nouveau fonds d'investissement est ainsi largement financé par l'État central, mais aussi par diverses banques et entreprises du secteur :
- Le ministère des Finances est le premier actionnaire avec 17% du capital
- Suivent la banque publique d'investissement CDB (10,5%) et les « Big Four » bancaires (6% chacune)
- De grandes entreprises technologiques apportent aussi leur contribution
Au total, ce sont donc des dizaines de milliards d'euros qui seront injectés dans la filière des semi-conducteurs dans les prochaines années. Une mobilisation inédite qui reflète l'importance vitale de ce secteur pour l'économie et la sécurité nationale chinoises dans un contexte géopolitique tendu.
Vers une guerre technologique larvée
En parallèle, les États-Unis multiplient les efforts pour contenir les ambitions technologiques de leur rival chinois. Washington a imposé des contrôles à l'exportation draconiens visant les technologies de semi-conducteurs avancés, et fait pression sur ses alliés pour qu'ils emboîtent le pas.
La Chine se retrouve ainsi privée d'accès à des équipements clés pour ses fonderies, comme les machines de photolithographie EUV du néerlandais ASML. Un coup dur pour des acteurs comme SMIC, qui voient leurs capacités de gravure en deçà des 14 nanomètres fortement contraintes.
Les Pays-Bas et le Japon ont accepté de se joindre aux restrictions américaines sur les exportations de technologies de semi-conducteurs vers la Chine.
– Bureau de l'Industrie et de la Sécurité du Département du Commerce US
Face à ces défis, la Chine n'a d'autre choix que d'accélérer le développement de ses propres technologies. Un chemin semé d'embûches, mais une priorité absolue pour Pékin qui veut éviter de se retrouver distancé dans la course à l'innovation. La guerre technologique entre les deux géants ne fait sans doute que commencer.