La Chine demande à ses entreprises de délaisser les GPU Nvidia
Dans un contexte de tensions croissantes avec les États-Unis, la Chine vient de franchir un nouveau cap dans sa quête de souveraineté technologique. Le gouvernement chinois a en effet demandé à ses entreprises de cesser d'acheter les processeurs graphiques (GPU) du géant américain Nvidia, au profit d'alternatives nationales comme celles développées par Huawei.
Washington serre la vis sur les exportations de puces
Depuis 2021, l'administration américaine a progressivement renforcé les restrictions sur l'export vers la Chine des puces les plus avancées, notamment les GPU A100 et H100 de Nvidia qui sont massivement utilisés pour l'entraînement des modèles d'IA. Pour contourner ces mesures, Nvidia avait dans un premier temps développé des versions bridées de ces composants, les A800 et H800, mais Washington a fini par les interdire également fin 2023.
Malgré ces restrictions, la Chine reste le 3ème marché de Nvidia. Mais Pékin entend bien s'affranchir de cette dépendance en développant sa propre filière de semi-conducteurs. Si le retard était important au départ, des progrès notables ont été réalisés récemment.
Huawei sur le devant de la scène
Le géant chinois des télécoms Huawei, lui-même dans le collimateur de Washington, a notamment dévoilé l'an dernier l'Ascend 910, une puce taillée pour l'IA qui serait aussi performante que le A100 de Nvidia. Une nouvelle version encore plus puissante, le 910C, serait actuellement en phase de test.
L'Ascend 910 n'a rien à envier aux GPU de Nvidia en termes de performances pour l'IA. C'est une alternative 100% chinoise crédible.
– Un ingénieur de Huawei
Dans ce contexte, les instructions de Pékin à ses entreprises d'acheter chinois prennent tout leur sens. Plusieurs grandes firmes comme China Telecom assurent d'ailleurs avoir déjà conçu des modèles de langage performants en utilisant uniquement des puces made in China.
Des obstacles technologiques demeurent
La route vers la souveraineté numérique chinoise est cependant encore longue. Le plus gros défi concerne la production des composants les plus avancés, pour lesquels les fondeurs chinois dépendent encore largement d'équipements étrangers, notamment les machines de lithographie extrême ultra-violet (EUV) du néerlandais ASML dont l'export est de plus en plus restreint.
Là aussi, des alternatives locales commencent à voir le jour, mais leur montée en puissance prendra du temps. En attendant, la Chine mise sur des astuces pour contourner les sanctions, comme l'utilisation de plateformes cloud américaines pour accéder aux puces Nvidia.
Un paysage technologique de plus en plus fragmenté
Au final, cette nouvelle étape dans la rivalité sino-américaine sur le front technologique illustre la fragmentation croissante de cet écosystème autrefois mondialisé. D'un côté les États-Unis et leurs alliés qui verrouillent l'accès à leurs technologies les plus critiques. De l'autre, une Chine déterminée à développer sa propre base industrielle et technologique pour ne plus dépendre de l'étranger.
Une stratégie du découplage qui n'est pas sans risque, tant l'interdépendance des chaînes de valeur est forte dans le secteur des semi-conducteurs. Mais le fait que des alternatives crédibles aux champions américains commencent à émerger en Chine montre que Pékin est en train de marquer des points dans cette partie d'échecs géopolitique. Reste à savoir quel en sera le prochain coup.