La CJUE permet aux steaks végétaux d’utiliser des noms de viande
La longue bataille juridique entre les producteurs de viande et le secteur émergent des alternatives végétales vient de connaître un dénouement majeur au niveau européen. Mardi 4 octobre, la Cour de justice de l'Union européenne (CJUE) a rendu un arrêt sans équivoque : les États membres ne peuvent pas interdire aux produits végétaux d'utiliser des dénominations traditionnellement associées à la viande, comme "steak", "saucisse" ou "escalope".
Un coup dur pour le lobby de la viande française
Cette décision est un véritable camouflet pour le ministère français de l'Agriculture, qui avait fait adopter en début d'année un décret interdisant aux produits végétaux une liste de termes habituellement réservés aux produits d'origine animale. Sous la pression du puissant lobby de la viande hexagonal, le gouvernement espérait ainsi freiner l'essor des alternatives végétales, en plein boom ces dernières années.
Mais c'était sans compter sur la riposte juridique des représentants de cette filière innovante. Plusieurs associations et entreprises spécialisées dans les protéines végétales ont saisi le Conseil d'État pour obtenir la suspension du décret controversé. La plus haute juridiction administrative française a alors décidé de se tourner vers la CJUE, seule compétente pour trancher ce litige sur les dénominations alimentaires, harmonisées au niveau européen.
Une victoire pour les défenseurs du végétal
Dans son arrêt très attendu, la cour européenne donne entièrement raison aux "végétariens". Selon les juges de Luxembourg, un État ne peut pas, par une "interdiction générale et abstraite", empêcher les fabricants de produits végétaux d'utiliser des noms usuels ou descriptifs pour désigner leurs denrées. Une telle mesure serait contraire au principe de libre circulation des marchandises dans l'UE.
Un État membre ne saurait empêcher, par une interdiction générale et abstraite, les producteurs de denrées alimentaires à base de protéines végétales de s'acquitter, par l'utilisation de noms usuels ou de noms descriptifs, de l'obligation d'indiquer la dénomination de ces denrées.
– Extrait de l'arrêt de la CJUE
La cour admet qu'un pays peut définir une "dénomination légale" pour une denrée, associant un nom spécifique à des caractéristiques précises (comme c'est le cas pour le lait par exemple). Mais une interdiction pure et simple d'utiliser certains termes est jugée disproportionnée et non nécessaire pour protéger le consommateur.
Bientôt des steaks et des saucisses 100% végétales dans les rayons
Cette clarification juridique ouvre la voie à une généralisation des appellations "viande végétale" dans les rayons des supermarchés. Jusqu'ici, les fabricants utilisaient souvent des termes détournés comme "streaks", "fausses saucisses" ou "simili-escalope" pour contourner les restrictions. Désormais, ils pourront employer sans détour les dénominations familières des consommateurs.
Une petite révolution qui devrait doper les ventes de ces produits alternatifs, déjà en forte croissance grâce à l'engouement pour le flexitarisme et la montée des préoccupations éthiques, sanitaires et environnementales liées à la consommation de viande. Reste à voir si cela suffira à convaincre les irréductibles défenseurs du bœuf, du porc et du poulet, bien décidés à défendre leur territoire.
Un nouveau paysage alimentaire en construction
Au-delà de la sémantique, c'est toute une reconfiguration du marché et des habitudes alimentaires qui se joue. Avec des géants de l'agroalimentaire qui se lancent dans la course aux protéines végétales, aux côtés de nombreuses startups innovantes, le match s'annonce passionnant.
La "food tech" promet des substituts de plus en plus bluffants en termes de goût, de texture et d'apparence. Mais les éleveurs traditionnels ne comptent pas se laisser disruper sans réagir, en misant notamment sur la qualité, le terroir et le "naturel". Affaire à suivre dans les assiettes et les tribunaux !