La compétitivité de l’UE en question après la réélection de Trump
Le retour de Donald Trump à la Maison Blanche inquiète l'Union européenne. Sa victoire renforce le sentiment d'urgence sur la nécessité pour l'Europe de muscler sa compétitivité face aux deux mastodontes que sont les États-Unis et la Chine. C'est le message martelé par Mario Draghi, l'ancien patron de la BCE, lors d'un sommet informel des dirigeants européens à Budapest ce vendredi.
L'ombre de la guerre commerciale
Quelques jours avant sa réélection, le président américain avait prévenu que l'UE devrait "payer un lourd tribut" si elle n'achetait pas suffisamment de produits made in USA. Il brandissait même la menace de droits de douane pouvant aller jusqu'à 20% sur quasiment toutes les importations européennes. Un scénario noir pour le Vieux Continent déjà confronté à une croissance poussive.
Oui, c'est vrai. Le sentiment d'urgence est plus fort aujourd'hui qu'il y a une semaine.
Mario Draghi, ex-président de la BCE
Selon Mario Draghi, la victoire de Trump aggrave ce sentiment d'urgence. Il a présenté aux Vingt-Sept un rapport commandé par la Commission européenne qui pointe les faiblesses de l'UE. Pour rattraper son retard, l'Europe aurait besoin chaque année de 750 à 800 milliards d'euros d'investissements supplémentaires.
Un marché unique encore trop fragmenté
Mais l'ancien banquier central estime que l'enjeu le plus pressant n'est pas tant le montant que la lutte contre la fragmentation du marché unique et des marchés de capitaux. Un chantier sur lequel l'UE peine à avancer depuis 10 ans, en raison des intérêts nationaux divergents entre États membres.
Les divisions politiques internes, un handicap
À ce défi externe s'ajoutent des difficultés internes qui affaiblissent la capacité de réaction européenne. En Allemagne, la coalition gouvernementale s'est effondrée cette semaine. En France, Emmanuel Macron fait face à une contestation sociale et politique inédite. Le moteur franco-allemand est grippé au plus mauvais moment.
Dans tous nos pays voisins - Belgique, France et Allemagne - il n'y a pas de gouvernement disposant d'une majorité parlementaire. L'UE a besoin de force et non d'instabilité pour relever les grands défis.
Luc Frieden, Premier ministre luxembourgeois
Un plan d'action ambitieux
Face à l'adversité, les Vingt-Sept tentent malgré tout de serrer les rangs. Ils devraient adopter ce vendredi la "déclaration de Budapest", une feuille de route visant à :
- Renforcer le marché unique
- Augmenter les capitaux pour les investissements
- Unifier le marché de l'énergie
Autant de mesures jugées indispensables pour combler le retard de compétitivité européen. Mais la tâche s'annonce ardue tant les résistances sont fortes, notamment sur la question du financement conjoint. Les pays les plus "frugaux" contestent déjà l'idée d'utiliser des actifs communs de l'UE.
Expliquer les enjeux aux citoyens
Au-delà des arbitrages techniques et financiers, l'Europe doit aussi convaincre ses citoyens du bien-fondé de cette quête de compétitivité. C'est ce qu'a rappelé Alexander De Croo, le Premier ministre belge :
L'UE doit se ressaisir avant le retour de Donald Trump à la Maison Blanche, expliquer l'impact d'une éventuelle guerre tarifaire entre les deux partenaires et indiquer clairement qu'ils doivent discuter du comportement économique de leur concurrent commun, la Chine.
Alexander De Croo, Premier ministre belge
Un vaste programme qui nécessitera un effort de pédagogie et de longue haleine. Avec en toile de fond une question existentielle pour l'avenir : dans un monde de plus en plus polarisé entre Washington et Pékin, quelle place pour l'Europe ?