La cosmétique fait la chasse aux PFAS, les « polluants éternels »
Ils sont persistants dans l'environnement, potentiellement toxiques, et pourtant encore présents dans certains rouges à lèvres ou crèmes solaires : les PFAS, surnommés "polluants éternels", font l'objet d'une chasse intensive dans l'industrie cosmétique. Sous la pression des consommateurs et des législateurs, les grandes marques s'engagent à les éliminer totalement de leurs formules d'ici fin 2025. Un défi à relever pour ce secteur rompu à l'exercice de la substitution d'ingrédients.
Les PFAS, ces indésirables tenaces
Mascaras waterproof, rouges à lèvres longue tenue, crèmes solaires résistantes à l'eau... Les PFAS ont longtemps été les alliés des formules cosmétiques pour leurs propriétés de persistance et de résistance à l'eau et aux graisses. Problème : ces mêmes propriétés en font des substances préoccupantes pour l'environnement et la santé. Appartenant à une vaste famille de plus de 4700 composés, les PFAS s'accumulent dans les organismes et persistent durablement dans la nature, d'où leur surnom de "polluants éternels".
Si leur utilisation est minoritaire en cosmétique, elle n'en reste pas moins problématique. Une récente étude de l'Université de Nantes a ainsi détecté des PFAS dans 29 produits de maquillage sur 765 analysés. Parmi eux, du PTFE dans certains rouges à lèvres, une substance pourtant facilement substituable selon les chercheurs.
L'Oréal, Pierre Fabre, Kiko... Les marques s'engagent
Mis sous pression, les industriels de la beauté affichent désormais leur volonté d'en finir avec ces composés préoccupants. Interrogé par L'Usine Nouvelle, L'Oréal indique que "plus de 99% de son portefeuille de produits précédemment formulés avec des PFAS en ont été débarrassés", avec un objectif de 100% d'ici fin 2024. Même son de cloche du côté des Laboratoires Pierre Fabre, qui affirment avoir retiré le PTFE d'une crème solaire pointée du doigt.
Un mouvement général semble s'esquisser. Le syndicat européen des cosmétiques, Cosmetics Europe, recommande à ses adhérents de cesser tout usage des PFAS d'ici fin 2025. En France, si la loi visant à les interdire n'a pas encore été adoptée, le député Cyrille Isaac-Sibille note dans un récent rapport que le secteur cosmétique se dit "prêt" à franchir le pas.
Des alternatives durables existent
Bonne nouvelle : l'abandon des PFAS ne devrait pas poser de difficulté majeure à une industrie cosmétique habituée à reformuler régulièrement ses produits. "Globalement, ce ne sont pas les propriétés spécifiques des PFAS qui nous intéressent, donc il est facile d'arrêter leur usage", explique Emmanuel Guichard, de la Fédération des Entreprises de la Beauté.
De nombreuses alternatives durables et performantes existent pour reproduire les effets prisés des PFAS (résistance à l'eau, tenue...) :
- Polymères naturels type alginate ou carraghénane
- Cires et huiles végétales (candelilla, carnauba, jojoba...)
- Silicones à chaîne courte, non persistants et facilement biodégradables
Le remplacement des PFAS ne devrait donc pas faire gonfler la facture des industriels, y compris en termes de contrôle qualité. "Il suffit de mesurer le fluor en sortie d'usine", assure Emmanuel Guichard.
L'appel d'une consommation plus sobre et sûre
Au-delà d'une conformité réglementaire à venir, l'élimination des PFAS des cosmétiques répond à une demande sociétale de plus en plus pressante en faveur de produits sûrs et écologiques. Préoccupés par leur santé et l'environnement, les consommateurs plébiscitent les compositions épurées, courtes et naturelles, loin de l'accumulation de substances de synthèse aux effets discutables.
Les clients attendent de la transparence, de la sécurité, et un engagement environnemental fort. Se débarrasser des PFAS est une étape nécessaire pour y répondre.
– Emmanuel Guichard, FEBEA
Avec ce virage plus vert, l'industrie cosmétique espère ainsi regagner la confiance des consommateurs, garantir la sécurité et la qualité de ses produits, et prouver son engagement en faveur d'une beauté plus responsable et durable. La chasse aux PFAS n'est qu'un premier pas vers cet idéal d'une cosmétique plus saine et transparente, réconciliant soin de soi et protection de la planète.