La décarbonation industrielle française : quel bilan un an après ?
Il y a près d'un an, fin 2023, les 50 sites industriels français les plus émetteurs de CO2 signaient avec l'État leurs contrats de transition écologique. Ces feuilles de route volontaires, mais néanmoins cruciales, engageaient les géants de la chimie, sidérurgie, cimenterie et pétrochimie dans une réduction de 45% de leurs émissions à horizon 2030. Mais concrètement, où en sont-ils aujourd'hui dans cette vaste entreprise de décarbonation ? Pour le savoir, la rédaction de L'Usine Nouvelle est allée à leur rencontre. Enquête.
Des projets lancés, mais des investissements structurants en attente
Premier constat : une bonne partie des industriels concernés mettent en avant des avancées. Chez Roquette par exemple, à Lestrem dans le Nord, près de deux tiers des engagements 2030 sont déjà actés, avec à la clé 165 000 tonnes de CO2 économisées. Idem pour le cimentier Eqiom, qui a lancé début 2024 la construction d'un nouveau four à Lumbres permettant 20% d'émissions en moins, ou Heidelberg qui a musclé son plan d'investissement à 650 millions d'euros.
Mais pour les projets les plus structurants, comme la capture et le stockage de carbone ou l'utilisation d'hydrogène bas carbone, aucun acteur n'a encore sauté le pas. Les études d'ingénierie sont toujours en cours chez ArcelorMittal, et Lhoist comme Holcim attendent de savoir quelles seront les subventions publiques sur ces technologies encore peu matures et très coûteuses.
Le nerf de la guerre : les financements publics
Car le véritable point de blocage reste là : la rentabilité de ces lourds investissements de décarbonation. Malgré les centaines de millions d'aides publiques déjà promises, les industriels réclament des garanties supplémentaires, notamment via les futurs contrats carbone pour différence censés leur assurer un prix plancher du CO2 sur 15 ans. Mais leur validation par Bruxelles n'interviendra pas avant début 2025.
Les résultats des pré-études menées en vue de nous passer du gaz nous ont conduit à abandonner l'option hydrogène pour l'électrification.
Anaïs Voy-Gillis, directrice stratégique de Humens
Incertitudes sur les technologies et les prix de l'énergie
Autre frein majeur selon notre enquête : le manque de maturité de certaines solutions technologiques, notamment sur l'hydrogène, qui a conduit des acteurs comme Humens à revoir leurs options. Sans compter les incertitudes sur le prix de l'électricité décarbonée, autre variable clé de l'équation.
Pour autant, certains n'attendent pas. Le chimiste Syensqo étudie un scénario encore plus ambitieux sur son site de Tavaux, visant 50 000 tonnes de CO2 en moins d'ici 2030, au-delà de ses engagements initiaux. Preuve que malgré les obstacles, l'heure n'est plus à tergiverser. Face à la baisse programmée des quotas carbone gratuits, la plupart des industriels savent que leurs efforts de décarbonation devront s'accélérer dans les mois à venir. 2025 sera l'année charnière.