La fin d’Agdatahub : les défis de la valorisation des données
L'aventure Agdatahub s'achève. Après près de 10 ans d'existence, la start-up qui ambitionnait de devenir le « hub » des données agricoles françaises vient d'être placée en liquidation judiciaire. Un échec qui soulève de nombreuses questions sur le modèle économique du partage de données et les conditions nécessaires pour faire émerger une souveraineté numérique dans l'agriculture.
Agdatahub, une plateforme pionnière pour valoriser les données agricoles
Lancé en 2016 sous le nom d'ApiAgro, le projet Agdatahub visait à développer une plateforme neutre et sécurisée pour centraliser, partager et valoriser les données générées par le secteur agricole. L'objectif était de permettre aux agriculteurs, instituts techniques, coopératives et entreprises agroalimentaires de mieux exploiter le potentiel des données, tout en respectant la confidentialité et le consentement des producteurs.
Après deux levées de fonds et le soutien de plusieurs acteurs clés comme la Banque des Territoires ou InVivo, Agdatahub semblait en bonne voie pour réussir son pari. La plateforme revendiquait le statut d'intermédiaire de données au sens du Digital Governance Act européen.
Le consentement de l'agriculteur au cœur du modèle
L'un des points forts mis en avant par Agdatahub était son système de gestion du consentement. Via le logiciel de gestion agricole, l'agriculteur pouvait autoriser ou non l'utilisation de ses données pour chaque usage spécifique. Un modèle vertueux sur le papier, mais qui s'est heurté à plusieurs obstacles :
- La complexité de mettre en place techniquement ce dispositif à grande échelle
- Le manque d'incitations pour les agriculteurs à partager leurs données
- La difficulté à convaincre certaines filières de l'intérêt du partage de données
Une gouvernance publique qui n'a pas suffi
En juillet 2024, le ministère de l'Agriculture annonçait le passage d'Agdatahub sous gouvernance publique, en entrant au capital. Il promettait le déploiement rapide de cas d'usage concrets de partage de données dans plusieurs filières comme l'élevage bovin ou la viticulture. Las, ce soutien n'aura pas suffi à assurer la pérennité du modèle économique.
Il nous manquait à peine quelques mois pour avoir des retours significatifs sur les projets en cours. Pour montrer qu'il était possible de massifier la collecte des données de production en respectant le consentement de l'agriculteur.
Gaëlle Cheruy Pottiau, ex-directrice conseil d'Agdatahub
Quelles leçons tirer de cet échec ?
Au-delà du cas particulier d'Agdatahub, cette liquidation pose la question de la viabilité des modèles d'intermédiation de données dans l'agriculture. Malgré un contexte politique favorable, avec les récentes lois sur la gouvernance des données agricoles, force est de constater que les conditions ne semblent pas encore réunies pour voir émerger des « hubs » de données agricoles pérennes et créateurs de valeur pour l'ensemble des acteurs.
Parmi les principaux défis à relever :
- Définir une répartition équitable de la valeur entre les différentes parties prenantes
- Offrir de véritables incitations et services à valeur ajoutée aux agriculteurs pour les convaincre de partager leurs données
- Assurer l'interopérabilité et la qualité des données issues de sources multiples
- Garantir une gouvernance neutre et transparente des plateformes
Autant de questions complexes qui appellent probablement des réponses nouvelles, combinant régulation publique, innovations technologiques et collaborations inédites entre acteurs. L'enjeu est de taille pour la compétitivité et la durabilité de notre modèle agricole à l'heure du numérique. Gageons que l'histoire d'Agdatahub, si elle se termine, ne restera pas vaine et ouvrira la voie à l'émergence de nouveaux projets.