La fin des voitures thermiques en Europe : bataille de lobbies
L'Europe se retrouve actuellement au cœur d'une véritable bataille de lobbies concernant la fin annoncée de la voiture thermique prévue pour 2035. Alors que cette décision historique a été votée après d'âpres négociations, plusieurs acteurs tentent encore de la remettre en question. Retour sur les coulisses de ce combat acharné.
Un projet ambitieux qui divise
C'est en juillet 2021 que la Commission européenne a mis sur la table son plan visant une réduction de 100% des émissions de CO2 des véhicules neufs d'ici 2035. Cet objectif implique de facto l'interdiction de la vente de voitures dotées d'un moteur thermique dans un peu plus d'une décennie. Sans surprise, la proposition a immédiatement fait bondir une partie des constructeurs automobiles, voyant d'un mauvais œil cette transition accélérée vers l'électrique.
L'Association des constructeurs européens d'automobiles (ACEA) a rapidement dénoncé une mesure "non viable" et "irrationnelle". Son président de l'époque, Oliver Zipse, également patron de BMW, a appelé les institutions européennes à "se concentrer sur l'innovation plutôt que de bannir une technologie spécifique".
Négociations tendues au Parlement et au Conseil
Le lobbying intense s'est alors concentré sur le Parlement européen et le Conseil de l'UE, en charge des discussions sur le texte. Malgré la pression, les eurodéputés ont adopté la proposition en juin 2022, avec 339 voix pour et 249 contre. Un "tsunami de lobbying" selon le président de la commission Environnement du Parlement Pascal Canfin.
Du côté des États membres, les négociations n'ont pas été plus simples, avec une Allemagne réticente souhaitant donner une chance aux carburants synthétiques. Il aura fallu des mois et la promesse d'une clause de revoyure en 2026 pour parvenir à un accord définitif, toujours contesté aujourd'hui.
Chaque marque avait sa stratégie et parmi les plus rétives, il y avait BMW mais aussi Skoda, propriété de Volkswagen. D'autres entreprises, comme Volvo, étaient plus allantes.
Neil Makaroff, think tank Strategic Perspectives
La place des carburants "propres" au cœur des discussions
Si le texte prévoyant la fin des moteurs thermiques en 2035 a bien été publié au Journal officiel de l'UE en avril 2023, tout n'est pas réglé pour autant. La Commission doit encore préciser le rôle que pourront jouer les carburants synthétiques ou issus de la biomasse, à condition de rester neutres en émissions de CO2.
Un exercice périlleux tant les positions des États membres divergent sur le sujet, entre une France et des Pays-Bas opposés à leur utilisation, une Allemagne défendant bec et ongles les e-fuels, et des pays de l'Est réclamant l'inclusion des biocarburants. Le débat est loin d'être clos.
Quel avenir pour la décision européenne ?
Malgré l'adoption du texte, son application concrète promet encore de nombreux rounds de négociations, notamment lors de la clause de revoyure prévue en 2026. Si certains, comme le groupe Volkswagen, réclament de la "clarté", d'autres comme Renault demandent "un cadre stable".
Pour les ONG environnementales, il est crucial de ne pas céder aux sirènes des lobbies pétroliers et gaziers en rouvrant les discussions. Mais avec un Parlement européen plus fragmenté que jamais depuis les dernières élections, l'avenir de la fin des moteurs thermiques en Europe n'a sans doute pas fini de faire couler de l'encre. La transition vers une mobilité zéro émission est en marche, mais la route s'annonce encore semée d'embûches.