La réalité contestée du recyclage du polystyrène en France
Le polystyrène, matériau star des emballages alimentaires et notamment des pots de yaourt, se retrouve aujourd'hui sous le feu des critiques. Pointé du doigt pour son faible taux de recyclage, il cristallise les tensions entre industriels, pouvoirs publics et ONG environnementales. La loi anti-gaspillage pour une économie circulaire (AGEC) prévoyait son interdiction dès 2025 en l'absence de filière de recyclage opérationnelle. Mais la réalité du terrain semble plus complexe. Enquête sur un feuilleton industriel et environnemental de longue haleine.
Un recyclage du PS en 2025 : mirage ou réalité ?
Selon une enquête publiée par Le Monde et France Info le 17 juin dernier, le recyclage du polystyrène en boucle fermée, c'est-à-dire en nouveaux emballages alimentaires, ne serait pas au rendez-vous en 2025 comme le prévoit la loi AGEC. Un report à 2030 serait même envisagé par le gouvernement, sous la pression des industriels.
Ces derniers, regroupés au sein du consortium PS25 piloté par Citeo et Elipso, affirment pourtant que la filière sera prête dans les temps. Démonstration à l'appui avec le projet Recyqualipso qui vise à produire du PS recyclé (rPS) apte au contact alimentaire dès cette année.
Notre feuille de route est claire : nous aurons les capacités industrielles pour incorporer du rPS dans nos emballages en 2025.
– Emmanuel Guichard, délégué général d'Elipso
Les obstacles au recyclage du PS
Si la volonté des industriels semble réelle, les défis techniques et économiques restent nombreux pour parvenir à un véritable recyclage circulaire du PS :
- Collecter et trier des emballages souillés et mélangés à d'autres plastiques
- Obtenir un PS recyclé de haute qualité, conforme aux exigences sanitaires
- Atteindre une masse critique de rPS pour rentabiliser les investissements
- Faire face à la concurrence des résines vierges, souvent moins chères
À cela s'ajoutent les controverses sur l'innocuité du PS et de ses additifs, ravivées par des ONG comme Zero Waste France qui dénoncent le "lobbying" des industriels pour éviter son interdiction.
Des initiatives innovantes émergent
Malgré ces obstacles, plusieurs projets ont vu le jour ces dernières années pour développer des solutions de recyclage mécanique et chimique du PS :
- Le canadien Pyrowave, qui transforme le PS en styrène monomère purifié
- L'espagnol Eslava Plasticos et le belge Indaver, pionniers du rPS mécanique
- Les essais concluants du chimiste Ineos Styrolution avec l'emballagiste Coexpan
Reste à démontrer la viabilité technique et économique de ces procédés à grande échelle, et leur capacité à fournir un rPS de grade alimentaire en quantité suffisante.
Vers une diversification des matériaux d'emballage ?
Face aux incertitudes qui pèsent sur le recyclage du PS, certains acteurs misent sur le développement d'alternatives plus durables. C'est le cas de Danone qui explore le potentiel du PET, du verre et du carton pour le conditionnement de ses yaourts et produits laitiers.
Une tendance de fond semble se dessiner vers une complémentarité des solutions d'emballage, associant plastiques recyclés, matériaux biosourcés et emballages réutilisables, plutôt que le "tout PS recyclable". L'avenir dira si le polystyrène parviendra à trouver sa place dans ce nouveau paysage, ou s'il sera progressivement remplacé.
Une chose est sûre : la transition vers un modèle d'emballage 100% circulaire ne se fera pas en un jour, et nécessitera des efforts conjoints et soutenus de la part de toute la chaîne de valeur. Le feuilleton du recyclage du PS n'a pas fini de nous tenir en haleine...