La recharge, une épine mais une nécessité pour l’emballage durable
La recharge est en train de transformer en profondeur le secteur de l'hygiène-beauté. Une révolution aussi nécessaire qu'épineuse. Eva Lagarde, fondatrice du cabinet Re-sources, dresse un état des lieux de ce changement d'ampleur qui bouscule marques, distributeurs et consommateurs. Un défi majeur mais incontournable vers un emballage plus durable.
La réglementation en fer de lance
Aujourd'hui en France, la loi impose aux entreprises un taux de produits rechargeables, progressif selon la taille. 5% en 2023 pour celles réalisant plus de 50 millions d'euros de CA, un taux qui doit grimper à 7% en 2025. Un défi de taille mais globalement réalisable, selon Eva Lagarde. Cependant certains secteurs comme le maquillage auront plus de mal, quand les produits d'hygiène ont un potentiel évident. La différence s'explique aussi par des fréquences de consommation très variables.
La réglementation, pensée d'abord pour l'alimentaire, nécessite des ajustements. La Fédération des Entreprises de la Beauté planche sur le sujet au sein d'un groupe de travail dédié. L'objectif : que ces obligations s'adaptent aux spécificités de chaque catégorie.
Investir pour créer l'habitude
Pour les marques, «c'est une épine dans le pied» résume Eva Lagarde. Il faut reformuler, reconditionner, expliquer aux consommateurs. Avec un retour sur investissement encore mitigé : en moyenne seulement 3% de réemploi pour les marques ayant lancé des recharges contre 30% pour les natives. Mais impossible de passer à côté, une obligation légale en France qui va s'étendre en Europe.
Le jour où il y aura de la recharge dans tous les magasins, cela sera un automatisme.
Eva Lagarde
L'experte compare cela à la suppression des sacs plastiques en supermarché : d'abord on oublie, puis le geste s'ancre. Mais cela prendra 3 à 5 ans et un investissement conséquent avant que cela soit rentable.
Repenser les packagings
Pour être considérés comme recharges, les emballages doivent contenir 2 à 3 fois plus que le contenant principal. Cela pousse à revoir les packagings. Comme L'Occitane qui propose une recharge avec un goulot plus fin en PET 100% recyclé pour faciliter le remplissage. Ou le secteur du parfum, où désormais quasi tout nouveau lancement intègre une recharge, même si cela implique aussi de repenser la pompe.
À domicile ou en magasin ?
Pour les produits à usage fréquent comme l'hygiène, la recharge à domicile fonctionne bien. On conserve le packaging et on reçoit régulièrement les recharges. Sur ce créneau, des marques comme 900.care ou What Matters se développent.
En point de vente, le succès dépend de la présence de conseillers dédiés. Cela marche pour les marques ayant leurs propres boutiques. Mais dans la distribution, il faudra que marques et distributeurs collaborent pour que cela devienne un passage obligé et soit adopté massivement.
Liquide ou solide, l'avenir de la recharge
Cela dépend des catégories. Pour les produits rincés, la tendance est clairement aux formules solides, pastilles ou poudres. Pour les soins visage, les formules sèches efficaces restent à inventer. Des innovations intéressantes émergent comme ces minilingettes à réhydrater. Mais attention à l'analyse du cycle de vie, la quantité d'eau nécessaire pouvant contrebalancer les bénéfices. Les formules à reconstituer avec la juste dose d'eau à domicile semblent les plus prometteuses.
La recharge s'impose comme un tournant majeur, aussi complexe qu'inéluctable, pour engager le secteur de la beauté et de l'hygiène sur la voie de l'emballage durable. Un défi d'ampleur qui va nécessiter des changements profonds et de lourds investissements. Mais aussi l'un des leviers les plus puissants pour diminuer l'impact environnemental du secteur et enclencher de nouveaux réflexes chez les consommateurs. Un virage nécessaire à négocier au plus vite.
