La Semaine de 4 Jours : Progrès Social ou Mirage ?
Travailler moins pour vivre mieux, le rêve de beaucoup devenu réalité dans certaines entreprises ayant adopté la semaine de 4 jours. Plébiscitée par les salariés et vantée par certains dirigeants comme la clé d'un meilleur équilibre vie professionnelle-vie personnelle, elle semble s'imposer comme un nouveau standard. Mais attention aux apparences ! Une étude approfondie de 150 accords d'entreprise signés en 2023 vient nuancer fortement ce tableau idyllique.
Un intérêt croissant depuis la crise sanitaire
Le sujet est dans l'air du temps. Certains responsables politiques et dirigeants d'entreprise en ont fait leur cheval de bataille, à l'image de Laurent de la Clergerie, patron du groupe LDLC, qui a généralisé les 3 jours de repos hebdomadaires à l'ensemble de ses salariés. Une organisation plébiscitée par les Français selon un récent sondage du Crédoc. Pas étonnant donc que 10 000 salariés expérimentaient déjà la semaine de 4 jours début 2023 selon le Ministère du Travail, et ce sans incitation législative particulière.
Une réalité plus contrastée sur le terrain
Mais derrière les success stories médiatisées type LDLC ou Welcome to the Jungle, que sait-on vraiment des modalités concrètes de mise en œuvre de la semaine de 4 jours dans les entreprises ? C'est tout l'intérêt de l'étude menée par Pauline Grimaud du Centre d'Études de l'Emploi et du Travail. En analysant en détail 150 accords, elle révèle que :
- Dans 90% des cas, il s'agit d'une compression du temps de travail sur 4 jours, sans réduction de la durée hebdomadaire
- Les journées de travail durent souvent 9 à 10h, pause non comprise
- La charge de travail reste identique, impliquant un travail plus dense et intense
Différents visages selon les secteurs et métiers
L'étude distingue 3 types de semaine de 4 jours :
- La semaine de 4 jours sur 5 (63%), offrant un jour off en plus du week-end, notamment dans l'industrie, la construction et les services à forte valeur ajoutée
- La semaine de 4 jours modulée (20%), instrument de flexibilité permettant d'alterner semaines courtes et longues selon l'activité
- La semaine de 4 jours sur 7 (16%), fréquente dans les services avec de larges amplitudes (santé, commerce...)
Avec l'allongement de la journée de travail et/ou l'intensification qu'elle implique, la semaine de 4 jours peut contribuer à dégrader le travail qui devient compressé.
– Pauline Grimaud, Maîtresse de conférences
Un nouveau paradoxe du bien-être au travail
L'étude montre que la semaine de 4 jours véhicule l'idée que le bien-être au travail reposerait avant tout sur l'absence de travail. Un paradoxe alors que la compression du travail sur 4 jours risque justement de le rendre plus pressant, dense et intense. Loin de l'équilibre rêvé, on assisterait donc surtout à un transfert de la pression du travail sur un temps réduit.
Si la semaine de 4 jours séduit tant, c'est peut-être le signe d'un profond besoin de changer notre rapport au travail. Plutôt que de le concentrer de façon effrénée, ne faudrait-il pas repenser son contenu et son organisation pour le rendre plus épanouissant au quotidien ? La question mérite d'être posée au-delà des apparences.