La stratégie de TotalEnergies face aux surcapacités pétrolières en 2030
Alors que l'Agence internationale de l'énergie (AIE) vient d'annoncer des surcapacités « stupéfiantes » de pétrole à l'horizon 2030, dépassant la demande de 8 millions de barils par jour, le géant français TotalEnergies maintient le cap sur ses investissements massifs dans de nouveaux projets pétroliers. Une stratégie à contre-courant qui soulève des interrogations. Décryptage.
L'AIE prédit un décalage majeur entre l'offre et la demande de pétrole
Selon les projections de l'AIE dans son rapport Oil 2024, la consommation mondiale de pétrole devrait plafonner à 106 millions de barils quotidiens d'ici la fin de la décennie, sous l'effet combiné de plusieurs facteurs :
- L'essor des véhicules électriques
- L'amélioration de l'efficacité énergétique
- Le recul de l'utilisation du pétrole pour produire de l'électricité
- Les changements économiques structurels
Mais dans le même temps, dopée par les États-Unis et l'Amérique latine, l'offre de brut devrait grimper à 114 millions de barils par jour, créant ainsi un différentiel de 8 millions de barils quotidiens avec la demande. Du jamais vu depuis la crise du Covid-19, alerte l'AIE.
Une incitation à stopper les investissements pétroliers
Pour le directeur exécutif de l'Agence, Fatih Birol, ces prévisions constituent un signal fort envoyé aux compagnies pétrolières. Il les invite à revoir leurs stratégies et plans d'investissements pour tenir compte de ces changements à venir, et s'aligner avec l'objectif de neutralité carbone à l'horizon 2050.
Les compagnies pétrolières voudront peut-être s'assurer que leurs stratégies et plans commerciaux sont préparés aux changements en cours.
Fatih Birol, directeur exécutif de l'AIE
TotalEnergies campe sur ses positions
Loin de remettre en cause ses choix, TotalEnergies assume ses investissements colossaux - plus de 15 milliards de dollars par an - dans l'exploration et la production de nouveaux gisements de pétrole et de gaz.
Pour Patrick Pouyanné, PDG du groupe, il s'agit avant tout d'éviter une pénurie et une flambée des prix à la pompe qui frapperaient durement les consommateurs. L'ouverture de nouveaux champs pétroliers permettrait de compenser le déclin naturel des sites existants, estimé à 4% par an.
Miser sur des coûts de production ultra-compétitifs
Autre argument avancé : en renouvelant ses réserves avec des projets affichant des coûts d'extraction très bas (25 dollars le baril), TotalEnergies s'assurerait de pouvoir continuer à vendre son pétrole avec une marge confortable, y compris en cas de cours déprimés.
Le groupe mise aussi sur une pénétration plus lente qu'anticipée des véhicules électriques. Il entend ainsi conserver ses parts de marché et sa rentabilité, tout en investissant parallèlement dans les énergies bas-carbone.
Cap sur l'Irak, l'Angola et le Brésil
Parmi les projets récemment annoncés par TotalEnergies :
- L'extension de deux champs pétroliers offshore au Brésil
- Le lancement d'un nouveau projet en eaux profondes en Angola
- Un investissement de 10 milliards de dollars pour moderniser de vieux puits en Irak
Pour l'heure, le groupe français semble donc déterminé à poursuivre sur la voie du pétrole, en dépit des mises en garde de l'AIE. Une stratégie risquée, qui pourrait se heurter à une réalité de marché moins favorable qu'espéré. Les prochaines années seront décisives pour départager les scénarios.
