L’acquisition de Graphcore par SoftBank : un enjeu stratégique
Le monde des semi-conducteurs est en ébullition. Après des mois de tractations, un accord conditionnel a été trouvé entre le conglomérat japonais SoftBank et la scale-up britannique Graphcore, spécialisée dans la conception de microprocesseurs dédiés à l'intelligence artificielle. Une acquisition stratégique à 500 millions de dollars qui doit encore passer sous les fourches caudines des autorités britanniques.
Graphcore, le joyau britannique des puces IA dans le viseur de SoftBank
Fondée en 2016 à Bristol, Graphcore a connu une ascension fulgurante dans l'univers des semi-conducteurs spécialisés pour l'IA. La société a développé des processeurs baptisés IPU (Intelligence Processing Unit), spécifiquement conçus pour accélérer les tâches d'apprentissage machine et de traitement des réseaux de neurones.
Un positionnement technologique prometteur qui avait attiré les investisseurs, permettant à Graphcore de lever pas moins de 222 millions de dollars en 2020 pour une valorisation record de 2,8 milliards. Le graal étant de s'imposer comme le « Nvidia européen » sur le marché florissant des puces dédiées à l'intelligence artificielle.
Un parcours semé d'embûches malgré un partenariat clé avec Microsoft
Malgré un début en fanfare, la pépite britannique a connu des résultats décevants ces dernières années. Un partenariat stratégique avait pourtant été noué en 2019 avec Microsoft pour intégrer les processeurs maison sur sa plateforme cloud Azure. Mais les faibles revenus générés, à peine 2,7 millions de dollars l'an dernier, ont conduit la firme de Redmond à jeter l'éponge en 2022.
Certains investisseurs historiques comme Sequoia et Baillie Gifford ont alors revu à la baisse leur engagement. Le fonds Molten Ventures a même réduit de 45% sa participation le mois dernier. Autant de signaux inquiétants sur la capacité de Graphcore à tenir ses promesses face à un Nvidia plus hégémonique que jamais.
Un accord soumis à l'examen des autorités britanniques
C'est dans ce contexte délicat que SoftBank a avancé ses pions pour mettre la main sur ce pionnier des puces IA. Le montant évoqué de 500 millions de dollars valorise Graphcore en deçà des investissements consentis par ses soutiens financiers, une pilule difficile à avaler pour certains actionnaires et employés détenant des stock-options ou actions.
Surtout, la conclusion de l'opération reste suspendue au feu vert de l'Investment Security Unit (ISU). Cette entité dépendante du ministère britannique du Commerce passera au crible ce rachat au titre de la sécurité nationale. L'ISU pourrait imposer certaines conditions visant à protéger le savoir-faire technologique de Graphcore. Un signe que Londres entend garder un oeil sur ses pépites dans le contexte concurrentiel mondial.
SoftBank mise à fond sur l'IA, Graphcore comme un atout clé
Du côté de SoftBank, ce rachat s'inscrit dans une stratégie massive d'investissements dans l'intelligence artificielle. Le conglomérat japonais prévoit d'y consacrer plus de 8 milliards d'euros chaque année par le biais de son Vision Fund.
« Nous voulons devenir le plus grand fournisseur de capitaux aux entrepreneurs de l'intelligence artificielle », a résumé Masayoshi Son, le fondateur visionnaire de SoftBank, dans un message interne.
En mettant la main sur Graphcore après l'acquisition retentissante du concepteur de puces ARM en 2016, SoftBank ajoute une nouvelle corde à son arc pour peser dans la course mondiale à l'IA. Une stratégie qui n'est pas sans risque au vu des déboires récents de la pépite britannique, mais qui pourrait s'avérer payante si le groupe japonais réussit à déployer toutes les synergies entre ses différents actifs technologiques.
L'enjeu est de taille tant l'intelligence artificielle promet de bouleverser de larges pans de l'économie dans les années à venir. Et dans cette révolution annoncée, disposer des meilleures puces pour alimenter algorithmes et modèles neuronaux sera un avantage compétitif décisif. SoftBank l'a bien compris et compte désormais sur Graphcore pour y parvenir, sous réserve du feu vert de Londres au terme d'un examen approfondi de sécurité nationale.