L’Acquisition de Wiz par Alphabet : Un Bouleversement pour le Capital Risque ?
Selon le Wall Street Journal et des sources de TechCrunch, le géant technologique Alphabet serait en pourparlers avancés pour acquérir la startup de cybersécurité Wiz pour la somme record de 23 milliards de dollars. Si cette opération se confirme, elle constituera non seulement la plus grosse acquisition jamais réalisée par la maison mère de Google, mais aussi une sortie majeure pour une jeune pousse à une époque où les exit, et en particulier les fusions-acquisitions, peinent à redémarrer. Décryptage des répercussions potentielles de ce deal sur le capital risque et l'écosystème des startups.
Un catalyseur pour relancer les fusions-acquisitions de startups ?
Angela Lee, professeure à la Columbia Business School et fondatrice de la communauté d'investisseurs providentiels 37 Angels, estime qu'un rachat de Wiz par Alphabet pourrait effectivement être le déclic nécessaire pour redonner un coup de fouet au marché des fusions-acquisitions de startups :
La taille de l'acquisition, qui est énorme, montre que le marché est plus que prêt pour une sortie de cette envergure. Il y a cette peur que personne ne veuille être le premier à sortir du lot. J'espère que cela revitalisera le marché des fusions-acquisitions.
- Angela Lee, 37 Angels
Le marché a effectivement besoin de ce coup de pouce. Sur le premier semestre 2024, PitchBook ne recense que 356 acquisitions de startups aux États-Unis, ce qui ne laisse pas présager une nette amélioration par rapport aux 771 deals enregistrés sur l'ensemble de 2023. Mais Angela Lee nuance : même si le rachat de Wiz se concrétise et commence à doper les fusions-acquisitions de startups, les opérations à venir n'auront sans doute que peu d'impact sur la crise de liquidités que traversent actuellement les grosses startups en phase avancée.
Un regain d'intérêt des investisseurs pour le venture ?
Cette acquisition pourrait aussi avoir un effet positif sur la collecte des fonds de capital risque. Selon PitchBook, les levées des firmes de venture américaines sont pour l'instant parties pour terminer l'année en-deçà du total de 2023 (81,5 milliards de dollars), qui était déjà en chute de 57,4% par rapport à 2022 (191,3 milliards).
Brian Borton, partner chez StepStone, expliquait récemment que quel que soit le contexte de marché, les fonds de venture ont une durée de détention des participations plus longue que n'importe quelle autre classe d'actifs - une caractéristique pas toujours appréciée des LPs (investisseurs institutionnels). Couplée à l'absence actuelle de sorties, cette situation rend les LPs plus frileux à l'idée de déployer des capitaux. S'il se concrétise, le rachat de Wiz pourrait apaiser une partie de ces craintes, non seulement par son montant, mais aussi parce que la startup n'a que 4 ans d'existence - alors qu'en moyenne, les startups en phase avancée aux États-Unis ont plus de 12 ans.
Cette opération fera baisser la durée moyenne de détention, non pas en nombre, mais en volume. Cela pourrait potentiellement inciter les LPs à revenir sur le marché. Alors qu'on parle de reprise et que 2024 s'annonce bien meilleure que 2022 et 2023, la collecte des fonds de venture n'est pas encore repartie. Ce deal pourrait être le petit coup de pouce nécessaire.
- Angela Lee, 37 Angels
Vers un retour des investissements dans les startups ?
Angela Lee pense également que si Wiz est rachetée, cela pourrait inciter les capital-risqueurs à recommencer à signer des chèques. D'après DocSend, l'activité des pitch decks, côté investisseurs comme entrepreneurs, a grimpé de plus de 10% au T2 2024 en glissement annuel, malgré une quasi-stagnation du nombre de deals bouclés. Justin Izzo, analyste chez DocSend, indiquait récemment que l'ouverture du marché des sorties n'aurait sans doute pas un gros impact sur les opérations en phase d'amorçage, encore loin de la maturité.
Mais pour Angela Lee, le fait que Wiz soit une entreprise aussi jeune, qui a explosé si rapidement et obtenu une sortie si considérable, pourrait bien changer la donne :
On a tous la FOMO (peur de passer à côté, NDLR). On aurait tous adoré faire partie de ce deal, non ? C'est excitant de voir autant de buzz autour de quelque chose qui n'est pas l'IA.
- Angela Lee, 37 Angels
L'avenir de l'opération reste incertain - elle pourrait se heurter à des obstacles antitrust, voire ne pas aboutir du tout. Mais si elle se concrétise, elle sera peut-être justement le catalyseur dont le marché du capital risque a besoin pour enfin commencer à se remettre en mouvement.
