
Lactalis et McPhy : Géants et Défis de l’Industrie
Imaginez un géant de l’agroalimentaire qui domine le monde avec ses fromages et yaourts, face à une start-up prometteuse dans l’énergie verte qui lutte pour survivre. Cette semaine, deux récits industriels captivants ont marqué l’actualité : Lactalis, le titan laitier, a franchi la barre symbolique des 30 milliards d’euros de chiffre d’affaires, tandis que McPhy, pionnier des électrolyseurs à hydrogène, est mis en vente faute de fonds. Ces deux trajectoires, l’une triomphante, l’autre incertaine, racontent une histoire plus large : celle des dynamiques complexes de l’industrie française en 2025. Plongeons dans ces récits pour comprendre ce qu’ils révèlent sur l’innovation, la résilience et les défis du marché.
Lactalis et McPhy : un contraste industriel saisissant
En 2024, l’industrie française a vu s’affronter des géants établis et des innovateurs audacieux. D’un côté, Lactalis, leader mondial des produits laitiers, a consolidé sa position avec une croissance impressionnante. De l’autre, McPhy, une start-up spécialisée dans l’hydrogène vert, a trébuché face à des contraintes financières. Ces deux cas, bien que très différents, posent une question essentielle : comment prospérer dans un monde industriel marqué par des incertitudes géopolitiques et économiques ?
Lactalis : le roi du lait ne connaît pas la crise
Lactalis, basé en Mayenne, n’est pas seulement une entreprise : c’est un empire. Avec des marques emblématiques comme Président, Lactel ou Galbani, le groupe a dépassé pour la première fois les 30,3 milliards d’euros de chiffre d’affaires en 2024, enregistrant une croissance de 2,8 % par rapport à l’année précédente. Ce succès repose sur une stratégie bien rodée : des volumes de vente en hausse, notamment dans les produits ultra-frais comme les yaourts, et une expansion internationale, particulièrement aux États-Unis.
Nous sommes sereins sur notre modèle et sur la croissance mondiale des produits laitiers, malgré les incertitudes géopolitiques.
– Emmanuel Besnier, PDG de Lactalis
Cette sérénité s’explique par plusieurs facteurs. Tout d’abord, Lactalis a su diversifier son portefeuille, couvrant tout, des fromages AOP comme le Roquefort aux laits infantiles. Ensuite, le groupe investit massivement, avec plus d’1 milliard d’euros injectés en 2024 pour moderniser ses 266 sites industriels à travers le monde. Enfin, sa stratégie de croissance externe continue de porter ses fruits, avec des acquisitions prévues en 2025, notamment les yaourts de General Mills aux États-Unis et Cremora en Afrique du Sud.
Mais tout n’est pas rose. Malgré ses succès, Lactalis fait face à des critiques. Les éleveurs dénoncent des prix d’achat du lait trop bas, et un récent règlement de 475 millions d’euros avec le fisc français, lié à des opérations financières internationales, a terni son image. Pourtant, ces défis n’ont pas freiné son ascension, et le groupe reste un acteur incontournable, classé neuvième mondial des groupes agroalimentaires.
McPhy : l’étoile filante de l’hydrogène vert
À l’opposé, McPhy Energy, basée à Foussemagne, incarne les promesses et les périls des start-ups technologiques. Spécialisée dans les électrolyseurs alcalins, des équipements essentiels pour produire de l’hydrogène décarboné, McPhy semblait destinée à devenir un pilier de la transition énergétique. Pourtant, en avril 2025, l’entreprise a annoncé sa mise en vente, incapable de financer ses ambitions, notamment sa gigafactory à Belfort.
Les chiffres parlent d’eux-mêmes. En 2024, McPhy a enregistré un chiffre d’affaires de 13,2 millions d’euros, en baisse de 30 % par rapport à l’année précédente, et une perte nette de 74,1 millions d’euros. Malgré un soutien public de 114 millions d’euros, l’entreprise n’a pas réussi à concrétiser son projet de produire des électrolyseurs de 16 MW à grande échelle. La gigafactory, inaugurée en juin 2024, devait être opérationnelle à l’été 2025, mais les fonds manquent.
McPhy a sous-estimé les défis financiers et industriels d’une telle ambition. Le marché de l’hydrogène reste immature.
– Analyste industriel anonyme
Plusieurs raisons expliquent cet échec. Le marché de l’hydrogène vert, bien que prometteur, est encore balbutiant, avec une demande insuffisante pour rentabiliser les investissements massifs. De plus, McPhy a souffert de coûts opérationnels élevés et de retards dans ses projets. Une procédure d’appel d’offres pour une reprise a été lancée, avec une date limite fixée au 9 mai 2025. Un groupe industriel européen aurait déjà manifesté son intérêt, mais l’avenir reste incertain.
Les leçons du contraste : stabilité contre innovation
Le contraste entre Lactalis et McPhy est riche d’enseignements. Lactalis représente la stabilité : une entreprise ancrée dans un marché mature, avec des produits de consommation courante et une stratégie d’expansion bien huilée. McPhy, en revanche, incarne l’innovation à haut risque, dans un secteur émergent où les promesses de demain se heurtent aux réalités financières d’aujourd’hui.
- Lactalis : Croissance soutenue par des volumes de vente et une présence internationale.
- McPhy : Dépendance à des financements publics et privés dans un marché immature.
- Point commun : Les deux entreprises opèrent dans des secteurs stratégiques pour l’avenir (alimentation et énergie).
Ces différences soulignent une réalité : l’innovation, bien que cruciale, exige une gestion rigoureuse des ressources et une vision à long terme. McPhy a peut-être visé trop haut, trop vite, tandis que Lactalis a su capitaliser sur sa position dominante pour croître progressivement.
Les défis géopolitiques et économiques en toile de fond
Les parcours de Lactalis et McPhy ne peuvent être dissociés du contexte global de 2025. Pour Lactalis, les menaces de droits de douane américains, une enquête antidumping chinoise et les tensions commerciales avec l’Algérie sont des obstacles, mais le groupe reste peu exposé grâce à sa diversification. McPhy, en revanche, pâtit d’un marché de l’hydrogène encore trop dépendant des subventions et des politiques publiques.
La guerre en Ukraine, l’inflation persistante et les incertitudes géopolitiques compliquent davantage les choses. Pourtant, Lactalis a su tirer son épingle du jeu, notamment grâce à une consommation mondiale de produits laitiers en hausse de 1,6 %. McPhy, lui, n’a pas encore trouvé la formule pour transformer les ambitions de la transition énergétique en succès commercial.
Quel avenir pour ces deux acteurs ?
Pour Lactalis, l’avenir semble radieux. Le groupe prévoit de poursuivre sa croissance, avec des acquisitions stratégiques et une consolidation de sa position sur les marchés émergents. Cependant, il devra répondre aux critiques des éleveurs et améliorer sa transparence pour maintenir sa réputation.
Pour McPhy, tout dépendra de l’issue de la vente. Une reprise par un acteur industriel majeur pourrait relancer ses projets, mais un échec pourrait marquer un coup dur pour l’industrie française de l’hydrogène. Le secteur, bien que prometteur, exige des investissements colossaux et une patience que peu d’entreprises peuvent se permettre.
Une réflexion sur l’industrie française
Lactalis et McPhy, dans leurs succès et leurs échecs, incarnent deux facettes de l’industrie française. L’un est un champion incontesté, l’autre un pionnier en difficulté. Ensemble, ils nous rappellent que l’industrie est un équilibre délicat entre tradition et innovation, entre ambition et pragmatisme.
- Stabilité : Les géants comme Lactalis prospèrent grâce à des marchés établis.
- Risque : Les start-ups comme McPhy doivent naviguer dans l’incertitude.
- Vision : Les deux doivent anticiper les évolutions géopolitiques et économiques.
En 2025, l’industrie française se trouve à un carrefour. Les succès de Lactalis montrent ce qu’une stratégie bien exécutée peut accomplir, tandis que les défis de McPhy rappellent les obstacles auxquels font face les innovateurs. Une chose est sûre : l’avenir de ces secteurs stratégiques façonnera notre économie et notre société pour les décennies à venir.
Alors, que nous réserve la suite ? Lactalis continuera-t-il à dominer le marché laitier mondial ? McPhy trouvera-t-il un repreneur pour relancer ses ambitions ? Une chose est certaine : ces histoires, bien que différentes, sont liées par un même fil conducteur : la quête d’excellence dans un monde en mutation.