
L’Aéronautique Face aux Défis de 2025
Imaginez un secteur qui génère des milliards d’euros, emploie des milliers de talents et propulse la France au sommet des exportations mondiales. Ce secteur, c’est l’aéronautique, un véritable joyau industriel. Pourtant, en 2025, il fait face à une tempête de défis : droits de douane, réglementations européennes toujours plus lourdes et une concurrence internationale féroce. Comment la filière, portée par des géants comme Airbus, peut-elle maintenir son envol ? Cet article explore les dynamiques, les obstacles et les perspectives d’un secteur en pleine mutation.
Un Secteur Aéronautique en Plein Redécollage
Après des années marquées par la crise du Covid, l’aéronautique française reprend de l’altitude. En 2024, le secteur a affiché un chiffre d’affaires record de 77,7 milliards d’euros, dépassant les niveaux d’avant-crise. Cette performance, en hausse de 10 % par rapport à l’année précédente, s’explique par une demande croissante dans l’aviation civile et militaire. Les exportations, qui représentent 82 % de ce chiffre, ont atteint 51,2 milliards d’euros, faisant de l’aéronautique le champion incontesté de la balance commerciale française.
Cependant, cette croissance impressionnante cache des fragilités. L’inflation, qui a grimpé de 18 % en cinq ans, masque un rattrapage industriel encore incomplet. Les effectifs, en hausse à 222 000 salariés en 2024, témoignent d’un besoin urgent de main-d’œuvre, avec 25 000 recrutements prévus pour 2025. Mais la productivité reste en deçà des niveaux d’avant-crise, en partie à cause du renouvellement des équipes.
« Quand on a une poule aux œufs d’or, on ne la rend pas malade. »
– Guillaume Faury, président du Gifas et PDG d’Airbus
Les Droits de Douane : Une Menace Transatlantique
Un vent contraire souffle de l’autre côté de l’Atlantique. La nouvelle administration américaine a instauré des droits de douane de 10 % sur les importations, rompant avec un accord international de 1979 qui exemptait l’aviation civile de telles taxes. Cette décision fragilise l’écosystème transatlantique, où les échanges entre l’Europe et les États-Unis sont cruciaux. En 2023, les exportations aéronautiques américaines s’élevaient à 120 milliards de dollars, contre 20 milliards pour les importations. Une guerre commerciale pourrait donc nuire davantage aux acteurs américains, mais l’Europe n’est pas à l’abri.
Guillaume Faury, PDG d’Airbus, n’a pas mâché ses mots. Il évoque la possibilité de représailles européennes, comme des taxes sur les avions de Boeing importés, tout en épargnant les pièces détachées pour ne pas pénaliser les industriels européens. Cette stratégie, déjà utilisée dans un conflit à l’Organisation mondiale du commerce il y a cinq ans, vise à limiter les dégâts. Mais Faury insiste : un tel bras de fer serait « perdant-perdant ».
PME : Les Plus Fragiles Face à la Tempête
Si les géants comme Airbus et Safran peuvent absorber une partie de l’impact des droits de douane, les petites et moyennes entreprises (PME) sont beaucoup plus vulnérables. Ces acteurs, qui sortent à peine de la crise Covid, doivent investir massivement pour répondre à la hausse des cadences. Une augmentation des coûts, même de 10 %, pourrait être fatale pour certains.
« Une guerre commerciale pourrait être calamiteuse pour les PME qui doivent investir pour monter en cadence. »
– Didier Kayat, président du GEADS et PDG de Daher
Les droits de douane risquent également de perturber les chaînes logistiques, entraînant des retards de livraison pour les compagnies aériennes. Cette désorganisation pourrait affecter la compétitivité des PME, qui n’ont pas les moyens de réorganiser leur empreinte industrielle à court terme. Relocaliser ou investir dans de nouvelles usines demande une visibilité que l’instabilité actuelle ne permet pas.
Réglementations Européennes : Un Frein à la Compétitivité
Outre les droits de douane, l’aéronautique française doit composer avec un environnement réglementaire européen jugé trop lourd. La directive CSRD, qui impose aux grandes entreprises de collecter des données sur leur durabilité, et la taxonomie européenne, qui classe les activités selon leur impact environnemental, sont dans le viseur des industriels. Ces réglementations, bien que nécessaires pour la transition écologique, ralentissent les processus et augmentent les coûts.
Guillaume Faury déplore un « maquis réglementaire » qui freine l’innovation et la compétitivité. Comparée à des pays hors Europe, la France subit également un niveau de taxes et d’impôts élevé, représentant 11 milliards d’euros en 2023 pour le secteur. Cette pression fiscale pourrait dissuader les investissements, notamment dans la recherche et développement, pourtant cruciaux pour rester dans la course face à des concurrents comme Comac en Chine.
Les Clés pour Rester dans la Course
Face à ces défis, la filière aéronautique doit adopter une stratégie à plusieurs volets. Voici les priorités identifiées :
- Renforcer la résilience : Diversifier les marchés pour réduire la dépendance aux exportations vers les États-Unis.
- Soutenir les PME : Mettre en place des aides spécifiques pour amortir l’impact des droits de douane.
- Simplifier les réglementations : Travailler avec l’Union européenne pour alléger les contraintes administratives.
- Investir dans l’innovation : Maintenir le crédit d’impôt recherche pour financer des projets durables.
Le maintien du budget du Conseil pour la recherche aéronautique civile (Corac), à hauteur de 285 millions d’euros par an jusqu’en 2027, est une bonne nouvelle. Ce financement permettra de soutenir des projets visant à réduire l’empreinte carbone du secteur, un enjeu clé face à la montée en puissance de la concurrence internationale.
Un Avenir à Construire Ensemble
L’aéronautique française est à un tournant. Portée par des acteurs comme Airbus, elle doit naviguer entre des défis économiques, réglementaires et géopolitiques. Si les grands industriels ont les moyens de s’adapter, les PME auront besoin d’un soutien renforcé pour ne pas être laissées sur le tarmac. L’enjeu est de taille : préserver la compétitivité d’un secteur qui fait la fierté de la France tout en préparant l’avenir.
En 2025, le Salon du Bourget sera une occasion unique de montrer la résilience et l’innovation de la filière. Mais pour que l’aéronautique française continue de voler haut, il faudra une collaboration étroite entre l’État, l’Europe et les industriels. La question reste ouverte : saura-t-on protéger cette poule aux œufs d’or sans la rendre malade ?