L’ANSM Pousse les Labos à Innover contre la Soumission Chimique
Imaginez ouvrir les yeux un matin sans aucun souvenir de la veille. Pire encore, découvrir que vous avez été victime d'un viol ou d'une agression sexuelle. C'est le cauchemar vécu par de plus en plus de victimes de soumission chimique en France. Face à ce fléau en hausse de 69% entre 2021 et 2022, l'Agence nationale de sécurité du médicament (ANSM) passe à l'action. Elle vient d'appeler les laboratoires pharmaceutiques à modifier l'aspect de leurs médicaments à risque pour mieux alerter les victimes potentielles.
Soumission chimique : une réalité glaçante
La soumission chimique consiste à administrer une substance à l'insu d'une personne pour altérer son discernement ou contrôler ses actes. Dans la majorité des cas, l'agresseur utilise un médicament mélangé à une boisson pour commettre un viol ou une agression sexuelle.
Selon la dernière enquête du centre d'addictovigilance de l'AP-HP :
- 1229 signalements suspects de soumission chimique en 2022, +69% vs 2021
- Substances utilisées : médicaments (antihistaminiques, sédatifs, antidépresseurs...) mais aussi drogues et alcool
- Objectif des agresseurs : viols et agressions sexuelles dans la majorité des cas
Face à ce sinistre constat, l'ANSM a décidé d'agir en impliquant directement les laboratoires pharmaceutiques.
L'appel de l'ANSM aux labos : innover pour protéger
Début janvier 2025, l'ANSM demandera officiellement aux industriels de la pharma de faciliter la détection des médicaments à risque de soumission chimique. Comment ? En modifiant volontairement certaines caractéristiques des produits concernés :
- Coloration inhabituelle
- Amertume prononcée
- Odeur spécifique
Ces changements doivent permettre aux victimes potentielles de détecter plus facilement l'administration d'une substance à leur insu. Un aspect inhabituel de leur verre les alertera d'un possible danger.
L'objectif est de modifier progressivement les autorisations de mise sur le marché (AMM) puis les médicaments en circulation, sur la base des propositions des industriels. Des discussions collégiales suivront entre l'ANSM et les labos.
Un précédent encourageant avec le Rivotril
Cette initiative n'est pas totalement nouvelle. En 2007 déjà, les laboratoires Roche avaient accepté de colorer en bleu le Rivotril, un de leurs médicaments les plus détournés pour la soumission chimique.
La version bleue est arrivée en pharmacie six ans plus tard, en 2013, après l'obtention d'une nouvelle AMM.
Si le processus prend du temps, il a déjà fait ses preuves pour compliquer la tâche des agresseurs. Avec son appel à tout le secteur, l'ANSM espère étendre cette "innovation protectrice" à un maximum de médicaments à risque.
Les prochaines étapes
Suite à l'appel de l'ANSM, la balle est dans le camp des laboratoires pharmaceutiques. Ils sont invités à :
- Identifier les médicaments les plus à risque dans leur portfolio
- Proposer des modifications pour les rendre plus repérables
- Déposer des demandes de nouvelles AMM pour les formules modifiées
Si le processus réglementaire prendra plusieurs années, cette initiative montre la volonté d'agir face à un fléau de plus en plus préoccupant. En attendant l'arrivée des médicaments modifiés en pharmacie, la prévention et la sensibilisation du public restent essentielles.
L'innovation pharmaceutique se met au service d'un enjeu de société majeur : la lutte contre les violences sexuelles et la protection des victimes. Un combat dans lequel l'implication de tous les acteurs est cruciale, à commencer par l'industrie du médicament.