L’Asie centrale, plaque tournante prospère avec la Russie
Qui aurait pensé que le Kirghizistan deviendrait un partenaire commercial clé pour les constructeurs automobiles français ? C'est pourtant la réalité étonnante qui se dessine depuis le début de la guerre en Ukraine et la mise en place des sanctions occidentales contre la Russie.
L'Asie centrale, nouveau hub commercial vers la Russie
Face à l'effondrement des échanges directs entre l'Union européenne et la Russie, les pays d'Asie centrale et du Caucase se sont imposés comme des plaques tournantes commerciales de premier plan. Les chiffres sont éloquents :
- Les exportations européennes vers le Kazakhstan et l'Ouzbékistan ont doublé entre 2021 et 2023.
- Celles vers le Kirghizistan ont été multipliées par dix, atteignant 2,7 milliards d'euros.
Ces pays enclavés y trouvent un intérêt économique évident, profitant de leurs liens historiques et culturels avec la Russie. Comme le souligne Marie Hiliquin, chercheuse à l'Irsem :
Il existe une forte diaspora russe dans ces pays, mais aussi des Tadjiks en Russie par exemple. Bloquer ces circuits va être difficile.
– Marie Hiliquin, chercheuse à l'Irsem
Des exportations record malgré les sanctions
Pour l'Allemagne, grande nation exportatrice, cette réorganisation des flux a été une aubaine. Depuis février 2022, la hausse de ses exportations d'automobiles et de pièces détachées vers l'Asie centrale et la Turquie a plus que compensé la chute en valeur de ses ventes directes à la Russie.
Robin Brooks, expert à la Brookings Institution, note également que les exportations de machines industrielles allemandes vers des pays tiers ont réussi à compenser aux trois quarts le déclin du marché russe. Un tour de force rendu possible par l'expérience des sanctions acquise par Moscou depuis 2014 et l'annexion de la Crimée.
L'Europe tente de colmater les brèches
Face à ces contournements massifs, l'Union européenne tente de réagir. Le dixième paquet de sanctions adopté récemment intègre un mécanisme anti-contournement. David O'Sullivan, l'envoyé spécial européen aux sanctions, multiplie les pressions diplomatiques dans la région.
Plusieurs entreprises kazakhes, turques et chinoises ont déjà été placées sur liste noire. Bruxelles se concentre surtout sur une cinquantaine de biens sensibles parmi les 7500 produits bannis d'exportation vers la Russie, comme certaines puces électroniques.
On n'éliminera jamais le contournement des sanctions. Notre objectif est juste qu'il devienne plus long et encore plus coûteux pour la Russie.
– David O'Sullivan, envoyé spécial européen aux sanctions
Malgré ces efforts, force est de constater que la réorganisation des circuits commerciaux à travers l'Asie centrale reste pour l'instant une réalité avec laquelle il faut composer. La géographie et les impératifs économiques semblent souvent prendre le pas sur la géopolitique dans cette partie du globe, offrant à la Russie des opportunités inespérées pour atténuer l'impact des sanctions occidentales.