L’avenir de l’automobile : les usines menacées de fermeture

L'industrie automobile est à l'aube de bouleversements majeurs qui pourraient bien redistribuer les cartes du secteur au niveau mondial. Selon une récente étude du cabinet Gartner, plusieurs usines automobiles en Europe et en Amérique du Nord seraient menacées de fermeture d'ici 2025, sous l'effet combiné d'une surcapacité de production et d'une concurrence acharnée tirée par les prix. Dans le même temps, la Chine s'apprête à renforcer sa domination sur le marché des véhicules électriques, portée par son avance technologique en matière de logiciels et d'électrification.

Des usines condamnées par la pression concurrentielle ?

D'après les analystes de Gartner, les constructeurs automobiles vont devoir réduire leurs capacités de production sur les deux continents dans les prochaines années. Ils font face à des contraintes réglementaires de plus en plus strictes en termes d'émissions, ainsi qu'à des barrières douanières qui pèsent sur leur compétitivité. Dans ce contexte de forte pression concurrentielle, les sites de production situés dans les pays à coût élevé seraient les premiers sur la sellette.

C'est un peu comme une cocotte-minute. La pression augmente, augmente et... cela poussera le nombre de constructeurs automobiles à prendre des décisions plus pragmatiques.

Pedro Pacheco, analyste vice-président de Gartner

Selon le cabinet, les fermetures ou les ventes d'usines sont plus susceptibles de se produire là où la pression politique et sociale sera compensée par une concurrence exacerbée. Une situation qui fait craindre des suppressions massives d'emplois et une casse sociale dans les bassins concernés.

La Chine prête à casser les prix

Pour contrer ces menaces, certaines marques chinoises pourraient être tentées de racheter des usines en Europe, afin de contourner les barrières douanières. Une autre stratégie consisterait à ouvrir de nouvelles usines dans des pays européens à moindre coût et partenaires de libre-échange, comme le Maroc ou la Turquie. L'objectif : produire localement des véhicules électriques à des prix imbattables, pour conquérir le marché européen.

La Chine a déjà pris une avance considérable en matière d'électrification et de logiciels automobiles. Selon Gartner, plus de 50% des modèles de véhicules commercialisés par les constructeurs seront électriques d'ici 2030. Pour réaliser ce virage, les acteurs traditionnels pourraient être tentés de s'approvisionner en architectures logicielles auprès des nouveaux fabricants chinois de VE et des géants du numérique.

L'Europe plaide pour un assouplissement des objectifs

Côté européen, certaines voix s'élèvent déjà pour demander un assouplissement des règles en matière d'émissions de CO2. Craignant des perturbations dès 2025, le directeur général de l'équipementier allemand Bosch appelle l'UE à s'abstenir d'infliger des amendes aux entreprises qui n'atteindraient pas les objectifs fixés. Une position partagée par le président du lobby automobile français PFA :

L'industrie automobile européenne n'est plus en mesure d'atteindre ses objectifs de 2030 et 2035 en matière de véhicules électriques. Le risque est que nous finissions par réduire les ventes de véhicules à moteur à combustion pour augmenter artificiellement les ventes de VE.

Luc Chatel, président de la PFA

Vers de nouvelles alliances technologiques

Pour garder la main sur leur destin technologique, les constructeurs traditionnels vont devoir se réinventer et nouer de nouvelles alliances. Cela passera par un renforcement de leurs capacités de R&D dans les pôles d'innovation, mais aussi par la création de coentreprises avec des entreprises numériques pour accélérer le développement de véhicules électriques autofinancés. Une course contre la montre est engagée.

Malgré les obstacles, la conversion à l'électrique apparaît inéluctable. D'après les projections de Gartner, les livraisons mondiales d'autobus, de voitures, de camionnettes et de poids lourds électriques devraient bondir de 17% en 2025. Le cabinet table sur une adoption massive :

• Plus d'un véhicule sur deux commercialisés par les constructeurs sera électrique d'ici 2030
• Les logiciels embarqués seront la clé de la différenciation et de la valeur ajoutée
• De nouveaux acteurs issus du numérique vont bousculer l'industrie automobile traditionnelle

L'automobile est à l'aube d'une nouvelle ère, entre défis écologiques, ruptures technologiques et basculement géopolitique. Une révolution qui va profondément transformer le visage et la géographie du secteur dans la décennie à venir. Avec à la clé, son lot de gagnants et de perdants. Les constructeurs historiques sauront-ils prendre le bon virage ?