L’avenir incertain de la French Tech après la dissolution
Tel un coup de tonnerre dans un ciel d'été, l'annonce de la dissolution de l'Assemblée nationale par Emmanuel Macron le 9 juin dernier a pris tout le monde de court. À commencer par les acteurs de la French Tech, cet écosystème bouillonnant de startups et d'entreprises innovantes qui a le vent en poupe ces dernières années. Fonds d'investissement, incubateurs, entrepreneurs... Beaucoup s'inquiètent des répercussions possibles de ce chamboulement politique sur leur activité et l'avenir du secteur.
Des investisseurs sur leurs gardes
Du côté des fonds d'investissement, qui jouent un rôle crucial dans le financement des jeunes pousses, l'heure est à la prudence. Olivier Martret, directeur d'investissement chez Serena Capital, ne cache pas son anxiété :
Il y a un risque non négligeable que les questions politiques soient moins présentes sur ces enjeux de financement, et que cette politique pro-innovation s'arrête complètement.
Une crainte partagée par de nombreux investisseurs, qui ont massivement soutenu une tribune publiée par France Digitale appelant les candidats aux législatives à ne pas "combattre l'innovation". Car sans capitaux étrangers, souligne l'association, impossible pour les startups d'investir dans des domaines stratégiques comme l'intelligence artificielle ou l'informatique quantique.
La menace d'une baisse des aides publiques
Autres acteurs majeurs de la French Tech, les incubateurs accompagnent chaque année des centaines de jeunes entreprises. À l'image d'EuraTechnologies, situé à Lille et récemment classé meilleur hub de France par le Financial Times. Sa directrice Koussée Vaneecke pointe le rôle indispensable de l'État, principal pourvoyeur de fonds pour l'innovation :
Avec les élections, cela rebat les cartes. Tous ces choix sont importants sur ce que nous sommes capables de faire pour les startups.
Une manne financière d'autant plus précieuse qu'elle est complétée par des programmes européens comme le FEDER, qui a par exemple octroyé 2,3 millions d'euros à EuraTechnologies pour son nouveau Campus Cyber. Autant de subventions publiques aujourd'hui menacées.
L'attractivité de la France en question
Dernier point d'inquiétude : le pouvoir de séduction de l'Hexagone auprès des talents et des investisseurs étrangers pourrait pâtir de ce climat d'incertitude. Le spectre du Brexit est dans toutes les têtes, comme le résume Koussée Vaneecke :
Le Royaume-Uni post-Brexit est un sacré exemple de ce qui nous effraie. Nous revenons de la London Tech Week, où nous avons ressenti la peur du Royaume-Uni de perdre sa place.
La France a pourtant une carte à jouer, en témoignent les nombreuses entreprises qui envisagent de transférer leurs bureaux de Londres à Paris. JPMorgan songerait ainsi à déplacer 200 employés dans la capitale. Mais cette dynamique pourrait vite s'essouffler, prévient Olivier Martret, "si l'on change de cap".
Les propositions des acteurs de la tech
Pour éviter ce scénario noir, plusieurs organisations montent au créneau. La CPME s'alarme notamment d'un éventuel "contrat de législature" présenté par le Nouveau Front populaire, qui aggraverait la dette. De son côté, le réseau CroissancePlus exhorte les candidats à promouvoir un cadre favorable aux entreprises, rééquilibrer les échanges commerciaux et investir dans la formation.
Autant de pistes cruciales pour rassurer les acteurs d'un secteur en plein questionnement. Car derrière les success-stories et les licornes, c'est tout un écosystème fragile qui pourrait vaciller au gré des décisions politiques futures. L'innovation à la française jouera une grande part de son avenir lors des prochaines élections.
