Le cannabis nuirait à la fonction cérébrale des jeunes adultes
La plus vaste étude menée à ce jour sur les effets du cannabis chez les 18-36 ans tire la sonnette d'alarme. Ses conclusions sont sans appel : la consommation de cannabis réduit les performances cérébrales des jeunes adultes lors de tests cognitifs. De quoi nourrir le débat sur l'innocuité de cette drogue, à l'heure où de plus en plus de pays légalisent son usage récréatif et médical.
Un impact sur le développement cérébral des jeunes
L'adolescence et le début de l'âge adulte constituent une période charnière pour le développement du cerveau, qui se poursuit jusqu'au milieu, voire la fin de la vingtaine. Quelques études de petite envergure avaient déjà pointé des effets délétères du cannabis sur les fonctions cérébrales des jeunes, mais les travaux dirigés par des chercheurs de l'Université du Colorado sont les plus massifs en la matière.
Alors que la consommation de cannabis continue de croître dans le monde, il est de plus en plus crucial d'en étudier les effets sur la santé.
Joshua Gowin, PhD, Université du Colorado
Méthodologie de l'étude
Les chercheurs ont analysé les données de 1003 adultes âgés de 22 à 36 ans, comprenant des IRM cérébrales, des tests toxicologiques urinaires et des informations sur leur consommation de cannabis. L'échantillon, d'un âge moyen de 28,7 ans et composé à 53,1% de femmes, était majoritairement blanc (76%) mais incluait aussi des participants asiatiques (6,3%) et noirs (13,7%).
Les volontaires ont été classés en consommateurs récents (test urinaire positif le jour de l'IRM), consommateurs modérés (11 à 1000 usages au cours de la vie) et gros consommateurs (plus de 1000). Leur activité cérébrale a été mesurée par IRM durant sept tâches testant l'émotion, la récompense, la motricité, la mémoire de travail, le langage, le raisonnement et le traitement de l'information sociale.
Des performances réduites de mémoire de travail
Résultat : la consommation récente et importante de cannabis était associée à une réduction statistiquement significative de l'activité cérébrale, mais uniquement durant la tâche de mémoire de travail. Cette faculté désigne la rétention temporaire d'une quantité limitée d'informations, sollicitée par exemple pour suivre une conversation, une recette de cuisine ou les étapes d'un mode d'emploi.
Cette moindre activation cérébrale chez les gros consommateurs était particulièrement marquée dans le cortex préfrontal dorsolatéral, le cortex préfrontal dorsomédial et l'insula antérieure. Ces régions interconnectées contribuent à des fonctions clés liées aux émotions, à la cognition et au comportement social.
L'abstinence, une solution à double tranchant
Selon les auteurs, ces résultats suggèrent qu'une période d'abstinence avant une tâche cognitivement exigeante pourrait aider les consommateurs récents à améliorer leurs performances. Mais pour les usagers réguliers, le sevrage n'est pas si simple :
- Les effets résiduels du cannabis sur la cognition persisteraient 2 à 4 semaines après l'arrêt.
- Une abstinence brutale peut entraîner des symptômes de sevrage affectant aussi les performances, et ce pendant au moins une semaine.
Cette étude transversale non contrôlée comporte des limites : on ne peut pas établir de lien de cause à effet entre consommation de cannabis et fonctionnement cérébral. Les résultats ne sont pas généralisables à d'autres tranches d'âge. Et les chercheurs ne disposaient pas de données sur les doses et modes de consommation, ni sur la teneur en CBD (cannabidiol), le pendant non-psychoactif du THC aux vertus thérapeutiques.
Il reste encore beaucoup de questions sans réponse sur l'impact du cannabis sur le cerveau. Des études de grande ampleur et de long terme sont nécessaires pour comprendre si la consommation altère directement la fonction cérébrale, combien de temps durent ces effets et quelles tranches d'âge sont concernées.
Joshua Gowin, PhD, Université du Colorado
Ces travaux fournissent néanmoins un éclairage précieux pour aider les jeunes adultes à prendre une décision éclairée quant aux avantages et aux risques de la consommation de cannabis. Si l'usage médical et récréatif tend à se démocratiser, la vigilance reste de mise quant à ses potentiels effets délétères sur le développement cérébral.