Le choix de Starlink à Mayotte soulève des tensions
Qui aurait imaginé qu'une annonce a priori bienveillante du gouvernement français susciterait un tel tollé ? Le 30 décembre dernier, le Premier ministre François Bayrou annonçait le déploiement de 200 terminaux Starlink à Mayotte, pour rétablir les communications d'urgence suite au passage dévastateur du cyclone Chido. Une décision inattendue qui n'a pas manqué de faire réagir les opérateurs télécoms présents sur l'île.
Orange, Free et SFR dénoncent un manque de concertation
Dès l'annonce officielle, les principaux acteurs du secteur ont exprimé leur étonnement, voire leur mécontentement. Orange, par la voix de son directeur des affaires publiques Laurentino Lavezzi, a publié un message cinglant sur X (ex-Twitter) :
Nous sommes heurtés par une communication du gouvernement qui axe ses annonces sur un wifi performant by Starlink, pourtant bien moins couvrant et moins performant qu'un réseau mobile.
Laurentino Lavezzi, Directeur des affaires publiques Orange
Le groupe regrette notamment l'absence de considération pour les équipes techniques des opérateurs, mobilisées sans relâche depuis le cyclone pour rétablir les réseaux. Orange avait d'ailleurs annoncé avoir reconnecté 78% de ses abonnés mobile à Mayotte en moins de 3 semaines. Des efforts similaires avaient été réalisés par SFR et Free, revenus à 85% de couverture.
Free a également fait part de sa surprise aux Echos, estimant que l'énergie disponible devrait être "priorisée pour les antennes mobiles". De son côté, SFR reste plus mesuré mais s'interroge sur la pertinence de cette décision.
Une entorse à la souveraineté numérique ?
Au-delà des aspects techniques, c'est surtout la portée symbolique du choix de Starlink qui fait grincer des dents. Pour Laurentino Lavezzi, cette décision "interroge sur le terrain de la souveraineté numérique". Confier le rétablissement des communications, même partiellement, à une société américaine soulève en effet des questionnements légitimes.
D'autant plus que le timing et les modalités de cette collaboration avec SpaceX, la société mère de Starlink, restent flous. Selon Politico, les 100 premiers kits seraient "prêtés" par l'entreprise d'Elon Musk, qui offrirait gracieusement les trois premiers mois d'abonnement. Une générosité surprenante, qui ne manquera pas d'alimenter les spéculations.
Le gouvernement temporise et rassure
Face à ces critiques, le gouvernement s'est voulu apaisant. Marc Ferracci, ministre de l'Industrie, a salué sur X "l'investissement des techniciens mobilisés dans des conditions difficiles", tout en réaffirmant l'objectif d'accélérer la couverture numérique de l'île via :
- L'octroi de nouvelles fréquences
- Des allègements d'autorisations d'urbanisme
- La construction d'un réseau fibre
Autant de mesures structurelles qui devraient rassurer les opérateurs sur l'engagement de l'État à leurs côtés. Reste à savoir si les 200 terminaux Starlink, déployés dans l'urgence, sauront réellement répondre aux besoins des habitants. Et si cette initiative ne restera qu'une parenthèse dans la reconstruction numérique de Mayotte.
