Le contrôle des investissements étrangers en Europe
Alors que les rachats d'entreprises stratégiques par des groupes étrangers se multiplient en Europe, le vieux continent muscle ses défenses. Longtemps limitée à une poignée de pays, la surveillance des investissements étrangers gagne aujourd'hui du terrain à l'échelle européenne. Plongée dans les coulisses de ce mécanisme de contrôle en plein essor.
La France, pionnière du contrôle des investissements étrangers
Avec pas moins de 309 dossiers examinés en 2023, l'Hexagone dispose d'un des dispositifs les plus larges d'Europe pour garder un œil sur les rachats d'entreprises sensibles. Un activisme qui ne date pas d'hier. Dès 2014, le décret Montebourg étend considérablement le champ du contrôle, renforcé depuis à plusieurs reprises. Sur les 255 opérations sur lesquelles Bercy s'est prononcé l'an dernier :
- 135 ont été autorisées
- 44% ont été assorties de conditions
Emploi, localisation de la production, propriété intellectuelle... L'administration veille scrupuleusement au respect de ces engagements. Un contrôle systématisé depuis 2022, là où l'État péchait auparavant.
L'Europe emboîte le pas
Si la France fait figure de pionnière, elle n'est plus une exception. 24 États membres de l'UE sur 27 sont désormais dotés d'un mécanisme de surveillance, contre seulement 14 en 2021. Le nombre de dossiers passés à la moulinette a bondi, atteignant 1808 demandes d'autorisations l'an passé. Parmi elles, 488 opérations ont été notifiées à Bruxelles, en hausse par rapport à 2022.
La guerre en Ukraine et les risques géopolitiques ont renforcé l'attention sur les technologies avancées et les infrastructures critiques.
Commission européenne
Cette vigilance accrue se traduit aussi par un élargissement des dispositifs existants dans 10 pays et la création de nouveaux mécanismes dans 7 États membres. L'Estonie, la Bulgarie, l'Irlande... Même les plus réticents franchissent le pas. Chypre et la Grèce planchent sur des projets de loi en ce sens.
Une intensité des contrôles encore hétérogène
Si le contrôle des investissements étrangers se généralise, tous les pays ne sont pas logés à la même enseigne. La France, l'Allemagne, l'Italie, l'Espagne et la Roumanie concentrent l'essentiel des dossiers. Les autorisations sous conditions restent minoritaires au niveau européen (10%), loin derrière l'Hexagone (44%). Même constat pour les refus, qui ne représentent que 1% des opérations au global.
Malgré ces disparités, la tendance est claire. Face aux appétits des investisseurs étrangers, notamment américains et chinois, l'Europe entend bien garder la main sur ses pépites technologiques et ses entreprises stratégiques. Un défi de taille pour préserver sa souveraineté économique sans fermer la porte aux investissements internationaux, plus que jamais nécessaires à son développement. L'équation est complexe, mais le vieux continent semble déterminé à trouver le bon équilibre.